Film français de Gaël Morel (2024), avec Lou Lampros, Victor Belmondo, Théo Christine, Amanda Lear, Sophie Guillemin, Elli Medeiros, Stéphane Rideau, Hélyos Johnson, Jonathan Hounwanou-Kakon, Noah Deric… 1h49. Sortie le 25 septembre 2024.
Lou Lampros
Les ravages du sida ont été évoqués à chaud par quelques films mémorables, au premier plan desquels Philadelphia de Jonathan Demme aux États-Unis, Les nuits fauves de Cyril Collard et N’oublie pas que tu vas mourir de Xavier Beauvois en France. Ce virus mortel, le cinéma l’a éprouvé cruellement dans sa chair avec sa cohorte de disparus. Trente ans plus tard, Gaël Morel exhume cette ère maudite dans le septième long métrage à travers une œuvre consacrée à l’amour sous toutes ses formes. Vivre, mourir, renaître évoque en outre par son titre un film de Christophe Honoré dont le cinéaste a par ailleurs été l’interprète : Plaire, aimer et courir vite (2018). Il y met en scène avec autant de tendresse que de délicatesse la complicité d’un jeune couple avec un voisin photographe qui devient l’amant du mari avant de révéler sa séropositivité. Une convivialité joyeuse jusqu’à l’insouciance qui perpétue un combat éternel, celui d’Eros et de Thanatos, comme pour mettre un terme tragique à l’éphémère insouciance de la période post-soixante-huitarde et de son utopie de l’amour libre.
Victor Belmondo et Théo Christine
Le dispositif est celui d’une tragédie moderne en trois actes que scande son titre. Circonscrit dans ce champ dramatique, le traitement confine à l’épure et s’en remet pour une bonne part à l’alchimie de ses trois jeunes interprètes : Lou Lampros découverte dans Ma nuit d’Antoinette Boulat, Théo Christine qui fut un bluffant JoeyStarr jeune dans Suprêmes d’Audrey Estrougo et Victor Belmondo qui a réussi à se faire un prénom au fil de ses choix audacieux dont Arrête avec tes mensonges d’Olivier Peyon. L’alchimie miraculeuse qui se crée entre ces trois natures s’appuie pour une bonne part sur un scénario écrit par le réalisateur, en tandem avec la complice attitrée de Catherine Corsini, Laurette Polmanss. Sur la corde raide des sentiments en très bonne compagnie, ce film exhume une époque qui a semé son cortège de martyrs et a laissé des absences irréparables, à grands renforts de destins brisés et d’existences inachevées. Tous celles et ceux qui ont vécu cette époque retrouveront dans ce beau film cette incroyable incertitude qui planait au-dessus des amoureux à travers la séropositivité et ses dégâts collatéraux comme une malédiction divine menaçant l’une des raisons d’être de l’humanité, l’amour, en sonnant le glas de l’innocence. Gaël Morel en appréhende l’esprit avec davantage de justesse que quiconque avant lui.
Jean-Philippe Guerand
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