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“Riverboom” de Claude Baechtold



Documentaire suisse de Claude Baechtold (2024), avec Claude Baechtold, Paolo Woods, Serge Michel… 1h35. Sortie le 25 septembre 2024.



Paolo Woods, Claude Baechtold et Serge Michel



L’Afghanistan en 2002. Trois reporters s’associent pour un périple qui va tourner par bien des aspects au voyage initiatique sur fond d’invasion américaine et de neutralisation momentanée des Talibans. Serge Michel est le plus expérimenté, le Florentin Paolo Woods exerce ses talents dans le domaine de la photographie artistique, tandis que le graphiste suisse Claude Baechtold décide de filmer leur deux mois d’équipée sauvage à travers un pays à haut risque qui peut se targuer d’avoir repoussé plusieurs invasions successives au fil des dernières décennies, mais en arbore les stigmates, malgré un peuple plus fataliste que résigné. Le documentaire présente la particularité de revêtir désormais les apparences les plus diverses et d’inventer en permanence de nouveaux modes d’expression en brisant ses propres codes. Riverboom se présente ainsi comme une sorte de Road Movie sociologique où l’on sent bien que tout peut arriver… à commencer par le pire. Il a d’ailleurs fallu plus de deux décennies au réalisateur pour venir à bout de la matière qu’il avait amassée et lui donner une forme satisfaisante à laquelle il n’avait pas pris le temps de réfléchir au moment du tournage.



Paolo Woods



Riverboom n’est pas à proprement un documentaire sur l’Afghanistan, mais plutôt une immersion dans ce pays transformé en champ de bataille que traversent trois pieds nickelés eux-mêmes assaillis par des doutes existentiels et inconscients du danger. C’est de l’association de ces trois caractères que naît la singularité du film. Avec aussi cet effet retard de plus de vingt ans dû à la perte des cassettes vidéo enregistrées au jour le jour par le technicien qui était chargé de les numériser. Une facétie du destin qui confère à ces images un recul passionnant parce qu’elles se sont bonifiées et que les protagonistes ont beaucoup changé eux aussi, notamment en gagnant en expérience et en maturité. Confronté à ces images, Claude Baechtold procédé à plusieurs montages successifs en recentrant peu à peu son propos autour de son aventure personnelle, à partir d’une scène d’engueulade dans une voiture qui vaut toutes les séquences de fiction par son intensité et ce qui s’y dit de cette cohabitation entre ces trois hommes associés a priori pour le meilleur et a posteriori pour le pire. Ironie du sort, cette cassette est la seule à ne pas avoir été égarée. Dans Riverboom, l’Afghanistan est en fait le révélateur des trois compères qui en arrivent à oublier la caméra et à se laisser aller à des réactions épidermiques, à commencer par la peur sous toutes ces formes. C’est même ce qui donne à ce film souvent très drôle une saveur hors du commun et au fond assez universelle.

Jean-Philippe Guerand






Serge Michel et Claude Baechtold

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