Film français de Laetitia Dosch (2024), avec Laetitia Dosch, François Damiens, Pierre Deladonchamps, Jean-Pascal Zadi, Anne Dorval, Anabela Moreira, Mathieu Demy, Tom Fiszelson, Kodi… 1h25. Sortie le 11 septembre 2024.
Kodi (au centre)
Il est d’usage pour beaucoup de comédiens de passer à leur réalisation. Comme pour s’affirmer autrement et démontrer qu’ils valent mieux que les rôles qu’on leur demande d’interpréter. Laetitia Dosch passe à son tour à l’acte avec un film qui lui ressemble. D’abord, c’est une comédie, genre où elle a souvent excellé, même si elle brille aussi sur un registre plus dramatique, comme dans son rôle de mère volage du Roman de Jim des frères Larrieu. Ensuite, elle a choisi également d’en tenir le rôle principal : celui d’une avocate confrontée à une affaire pour le moins atypique dont l’accusé est l’animal de compagnie d’un SDF accusé d’avoir mordu une passante. Le maître apparaissant insolvable, c’est son chien qui se voit assigné en justice. Sous la loufoquerie se cache un véritable discours quant à la responsabilité des animaux… lorsqu’ils viennent à nuire aux humains. Un discours d’autant plus nécessaire que ce n’est que récemment que les bêtes ont cessé d’être assimilées juridiquement à… des meubles. En Suisse où se déroule le film, un chien est même considéré comme une chose plutôt que comme une personne. Le mérite de Laetitia Dosch réside dans la conviction avec laquelle elle traite ce sujet a priori anecdotique en assumant son caractère saugrenu. Elle n’est pourtant jamais dupe des questions qu’il soulève -et qu’elle s’est posée au préalable avec sa coscénariste Anne-Sophie Bailly dont le premier film de fiction, Mon inséparable, est présenté à Venise dans la section Orizzonti- et offre à ses partenaires des rôles plutôt intéressants, à l’instar de François Damiens en clochard céleste affublé d’un strabisme prononcé, mais pourtant plus attendrissant que désopilant, tant il met de conviction et de fragilité dans son interprétation. Couronné de la fameuse Palm Dog à Cannes, l’interprète canin du film, Kodi, n’a pas volé cette récompense : il surclasse les animatroniques les plus sophistiqués par la gamme de ses attitudes et de ses expressions, sans pour autant jamais… cabotiner.
Jean-Pascal Zadi et Kodi
Le procès du chien est une comédie dotée d’un réel supplément d’âme par les questions fondamentales qu’elle soulève quant à la notion philosophique de conscience et son impact sur la responsabilité. L’intelligence de Laetitia Dosch réside dans sa capacité à raconter cette histoire absurde, mais inspirée de faits authentiques, tout en la saupoudrant de détails saugrenus qui tirent l’ensemble vers le conte voire le burlesque le plus baroque, notamment à travers un casting de seconds rôles inventif qui offre notamment à l’actrice québécoise Anne Dorval un contre-emploi savoureux en avocate de la partie civile droite dans ses escarpins. À partir d’un argument au fond assez mince, le scénario inventif souligne en outre le caractère lunaire d’une situation où l’accusé ne peut se défendre, faute d’être doué de la parole, mais s’exprime autrement et d’une façon fort évocatrice pour rallier les plaignants à sa cause. Derrière l’absurdité se niche aussi un solide bon sens qui confère à cette fable animalière un caractère militant dans le contexte d’une société suisse peu propice à la fantaisie. Ce n’est évidemment pas un hasard si l’actrice-réalisatrice s’est arrogée ce rôle d’avocate usée par son métier qui voit dans cette affaire une cause impossible à défendre et donc une occasion de rompre avec la routine mécanique de son métier et de renouer avec l’idéalisme qui l’a naguère incitée à se tourner vers le droit pour essayer de corriger les dysfonctionnements de la société. Ce plaidoyer souriant confirme le don de Laetitia Dosch pour la fantaisie qui affleurait déjà de ses seuls-en-scène.
Jean-Philippe Guerand
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