Accéder au contenu principal

“Hit Man” de Richard Linklater




Film américain de Richard Linklater (2023), avec Glen Powell, Adria Arjona, Retta, Austin Amelio, Molly Bernard, Richie Montgomery, Jordan Salloum, Anthony Michael Frederick, Sanjay Rao, Evan Holtzman, Gralen Bryant Banks, Mike Markoff, Bryant Carroll… 1h50. Mise en ligne sur Canal+ le 4 septembre 2024.



Glen Powell



Richard Linklater a cette particularité d’être un auteur américain à cheval sur la production commerciale et le cinéma indépendant. Sa réputation flatteuse, il la doit essentiellement à deux œuvres d’une rare audace : la trilogie au long cours formée par Before Sunrise (1995), Before Sunset (2004) et Before Midnight (2013), ainsi que Boyhood (2014) tourné sur une période de douze ans. Il y a posé les bases d’une œuvre à la fois atypique et pléthorique qui le distingue de ce trio de francs-tireurs contemporains que constituent Alexander Payne, Paul Thomas Anderson et James Gray. Au point que tous ses films ne parviennent pas jusqu’à nous. Après avoir programmé en exclusivité Bernadette a disparu (2019), Canal Plus nous permet aujourd’hui de découvrir Hit Man, l’histoire authentique d’un prof de philo et de psycho de l’université de Nouvelle Orléans qui arrondit ses fins de mois en se faisant passer pour un tueur à gages afin de confondre en flagrant délit des citoyens désireux de l’engager pour les débarrasser d’un gêneur ou d’un proche encombrant. Cette comédie policière plutôt savoureuse s’inspire en fait d’un article de presse consacré par un mensuel texan à Gary Johnson qu’incarne avec la décontraction qui s’impose Glen Powell, lequel en a aussi coécrit le scénario. L’une des qualités spécifiques du réalisateur est de traiter chacun des sujets qu’il aborde en s’y impliquant comme s’il s’agissait du projet d’une vie. Une approche qui était celle des cinéastes de l’âge d’or des studios, capables de témoigner de leur personnalité tout en se mettant au service des sujets qu’on leur imposait.



Glen Powell et Adria Arjona


Le réalisateur n’est pas dupe de son sujet qu’il traite avec une jubilation communicative, en soignant ses seconds rôles et le cadre de la Nouvelle Orléans si souvent utilisé à l’écran. Le personnage qu’interprète Glen Powell joue du contraste entre ses fonctions d’enseignant soucieux de ses responsabilités et sa double vie de divorcé cloîtré avec ses chats à qui son aura de tueur à gages imaginaire permet de rencontrer une épouse en proie à la domination toxique de son mari. La mise en scène apporte un soin particulier aux scènes de romance auxquelles la comédienne portoricaine Adria Arjona, vue récemment dans Blink Twice, apporte une sensualité qui renvoie aux femmes fatales du film noir et plus particulièrement à Jessica Lange dans Le facteur sonne toujours deux fois version Bob Rafelson. Cinéphile érudit, Linklater apporte également un soin particulier à la bande originale et la truffe de morceaux jazzy composés par son complice de longue date Graham Reynolds, là où d’autres auraient opté pour une musique New Orleans destinée à faire couleur locale. Présenté hors-compétition à la Mostra de Venise 2023, Hit Man est un spectacle agréable et de bonne facture qui donne précisément au spectateur ce qu’il était en droit d’en attendre. C’est toutefois déjà de l’histoire ancienne pour le réalisateur qui a filmé au printemps dernier à Paris une chronique du tournage d’À bout de souffle et a enchaîné depuis avec la comédie musicale Merrily We Roll Along et le biopic du charlatan John R. Brinkley. Trois projets qui reflètent son éclectisme, son attirance pour les fortes personnalités et surtout sa soif de cinéma inextinguible.

Jean-Philippe Guerand






Adria Arjona et Glen Powell

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva...

Berlinale Jour 2 - Mardi 2 mars 2021

Mr Bachmann and His Class (Herr Bachmann und seine Klasse) de Maria Speth (Compétition) Documentaire. 3h37 Dieter Bachmann est enseignant à l’école polyvalente Georg-Büchner de Stadtallendorf, dans le Nord de la province de Hesse. Au premier abord, il ressemble à un rocker sur le retour et mêle d’ailleurs à ses cours la pratique des instruments de musique qui l’entourent. Ses élèves sont pour l’essentiel des enfants de la classe moyenne en majorité issus de l’immigration. Une particularité qu’il prend constamment en compte pour les aider à s’intégrer dans cette Allemagne devenue une tour de Babel, sans perdre pour autant de vue leurs racines. La pédagogie exceptionnelle de ce professeur repose sur son absence totale de préjugés et sa foi en une jeunesse dont il apprécie et célèbre la diversité. Le documentaire fleuve que lui a consacré la réalisatrice allemande Maria Speth se déroule le temps d’une année scolaire au cours de laquelle le prof et ses élèves vont apprendre à se connaître...

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la viol...