Dancing on the Edge of a Volcano Documentaire libano-allemand de Cyril Aris (2023) Avec Nadine Labaki, Saleh Bakri, Mounia Akl… 1h27. Sortie le 25 septembre 2024.
Nadine Labaki
Des films qui retracent des tournages, le cinéma en a produits et des meilleurs. L’aventure que relate Danser sur un volcan présente la particularité d’avoir été télescopée par une réalité totalement imprévisible. Tout commence le 4 août 2020 quand l’explosion du port de Beyrouth soumet l’équipe de Costa Brava, Lebanon à un dilemme : poursuivre ou suspendre le tournage du premier long métrage de la réalisatrice Mounia Akl. Au fur et à mesure se produit un étonnant phénomène de résilience collective entre la destruction criminelle d’une bonne partie de la capitale libanaise et ce film de fiction prémonitoire qui suit un couple fuyant la pollution toxique de la ville pour mener une existence utopique dans un havre de paix montagnard. Comme si la réalité s’invitait au beau milieu de la fiction pour souligner combien la frontière qui sépare l’une de l’autre est étroite. Du coup, ce qui aurait dû être un simple making-of destiné à la promotion du film voire un bonus ultérieur de son édition DVD est devenu le témoignage à chaud d’un tournage sous haute tension et une étonnante histoire de cinéma. Avec une question corrélative qui ne cesse de tarauder l’équipe : arrêter ou continuer ? Les hasards de l’actualité qui mettent de nouveau le Liban à la une contribuent en outre à donner à ce film une brûlante évidence et à nous rappeler combien ce pays martyr mériterait de pouvoir enfin vivre en paix, sans factions terroristes pour décider à sa place de son destin, comme c'est le cas depuis trop longtemps.
Saleh Bakri
Danser sur un volcan mérite bien son titre. On y perçoit à travers cette chronique d’un tournage les multiples paradoxes qui planent au-dessus de la société libanaise et ont transformé ce pays de cocagne en un champ de bataille pris en otage par les belligérants, des terroristes du Hezbollah qui en ont fait leur base arrière aux Palestiniens qui s’y sont réfugiés dans des camps en passant par la minorité druze et une élite en grande partie exilée pour fuir le fracas d’une guerre toujours imminente. Le casting de Costa Brava, Lebanon constitue déjà en soi un acte géopolitique authentique qui souligne l’insigne absurdité de la situation ambiante : aux côtés de la gloire locale, Nadine Labaki, le comédien palestinien Saleh Bakri révélé par La visite de la fanfare (2007) ne parvient à accéder au tournage qu’après avoir accompli un véritable parcours du combattant, faute de moyens de communication entre Israël et le Liban. Cyril Aris qui connaît bien Mounia Akl pour avoir produit et monté plusieurs de ses courts métrages commence à s’intéresser à ce tournage par réflexe professionnel spontané avant de constater à quel point il est emblématique du climat délétère qui règne dans ce Liban devenu l’exutoire de tous ses voisins : un état croupion condamné à subir et vidé de ses forces vives. Le cinéma est aussi l’art de saisir des lambeaux de réel. Or, ce que montre ce documentaire, c’est l’intrusion de la vie réelle au beau milieu d’une fiction qui finit par s’en imprégner et dont l’équipe fait front commun. Chaos debout !
Jean-Philippe Guerand
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