Film américain de Tim Burton (2024), avec Michael Keaton, Winona Ryder, Catherine O’Hara, Justin Theroux, Monica Bellucci, Arthur Conti, Jenna Ortega, Willem Dafoe, Burn Gorman, Tim Kavanagh, Nick Kellington, Santiago Cabrera, Danny DeVito, Sami Slimane, Amy Nuttall, Mark Heenehan, Liv Spencer, Walles Hamonde, Rebecca O’Mara… 1h44. Sortie le 11 septembre 2024.
Hollywood a inventé le cinéma et industrialisé le principe de la franchise, avec ses sequels, ses prequels, ses spin-of et autres dérivés à but lucratif. Au point de produire Top Gun Maverick quelque 36 ans après Top Gun. C’est aujourd’hui Tim Burton qui égalise ce record en donnant lui-même une suite à Beetlejuice (1988), le premier film personnel qu’il ait signé. Michael Keaton (Beetlejuice alias Bételgeuse), Winona Ryder et Catherine O’Hara y reprennent leurs rôles originels, tandis qu’Alec Baldwin et Geena Davis cèdent naturellement leur place à Justin Theroux, Monica Bellucci, Jenna Ortega (la Mercredi de Burton, quant à elle échappée de la famille Addams) et les vétérans Willem Dafoe et Danny DeVito. D’emblée, Tim Burton donne le ton et retrouve la fougue de sa jeunesse. Comme si cette boucle qu’il boucle par plaisir davantage que par devoir constituait pour lui une façon de revenir enfin au grand écran cinq ans après sa version live de Dumbo, film magnifique qui l’a éprouvé, à en croire la saillie qu’il décoche à Disney au détour d’un dialogue, alors même que c’est au sein de ces studios mythiques qu’il a naguère accompli ses premières armes, à une époque où il n’était pas encore réalisateur mais dessinateur. Du coup, Beetlejuice Beetlejuice ressemble par bien des aspects à un exutoire en forme d’exorcisme païen dans lequel le créateur se met en paix avec lui-même, sans la moindre concession. Sachant que son héros n’apparaît que quand on prononce trois fois son nom, reste à savoir si le réalisateur osera lui consacrer une trilogie. Rien n’est moins sûr. Surtout s’il nous faut pour cela patienter jusqu’à… 2060, car il serait alors plus que centenaire.
Michael Keaton (au centre)
Première bonne nouvelle en provenance des étoiles, Beetlejuice Beetlejuice marque le grand retour de Winona Ryder au sortir de deux décennies d’un purgatoire absurde conclu par deux séries cultes : The Plot Against America et Stranger Things. On mesure en la voyant combien cette actrice prodigieuse victime de sa kleptomanie a manqué au cinéma américain. À l’opposé, Tim Burton offre un rôle bref mais inoubliable à une autre beauté, Monica Bellucci, dont la première apparition façon puzzle fera date. Le film est bourré d’idées saugrenues et poétiques qui offrent à ses interprètes l’occasion de compositions mémorables et au réalisateur une liberté de création tout entière tournée vers l’émerveillement. À l’instar de ce flash-back traité sous forme d’animation où il évoque la disparition tragique d’un personnage dévoré par un requin, lequel réapparaîtra plus tard entouré de petits poissons frétillants cramponnés à lui comme des moules à leur rocher. Burton excelle à tirer le meilleur de sa distribution, chacun dans son registre, de Michael Keaton loufoque comme jamais dans le rôle qui lui a valu la célébrité à la ténébreuse Jenna Ortega devenue la nouvelle muse de l’étrange, pour une bonne part grâce à lui. Ce film de pure distraction déborde d’invention et semble marquer le début d’une nouvelle ère pour un cinéaste visionnaire parti se ressourcer à sa propre fontaine de jouvence qu’il retrouve avec le même enthousiasme à la soixantaine qu’à ses débuts, même s’il est devenu entre-temps un inventeur de formes consacré et même adulé, comme en a témoigné il y a quelques années le triomphe mémorable de l’exposition que lui a consacré la Cinémathèque Française. Voilà un plaisir à savourer sans la moindre modération.
Jean-Philippe Guerand
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