Film français de Thierry de Peretti (2024), avec Clara-Maria Laredo, Marc’Antonu Mozziconacci, Louis Starace, Barbara Sbraggia, Saveria Giorgi, Andrea Cossu, Pierre-Jean Straboni, Antonia Buresi, Paul Garatte, Harold Orsoni, Thierry de Peretti, Victoire du Bois, Alexis Manenti, Cédric Appietto… 1h53. Sortie le 4 septembre 2024.
Clara-Maria Laredo
Rendre compte de la vie d’un photographe est une tâche plutôt ardue. Récemment, un film a pourtant réussi cette gageure, qui plus est en s’attachant au bref destin d’une chasseuse d’images qui a payé de sa vie en République centrafricaine ce besoin de témoigner de ses propres yeux d’une certaine réalité du monde : Camille (2019) de Boris Lojkine. Et puis, par une de ces coïncidences ironiques auxquelles le cinéma nous a accoutumé, après la baroudeuse blasée qu’incarnait Kirsten Dunst dans Civil War au printemps dernier, on découvrira le 9 octobre prochain le biopic consacré par Ellen Kuras à Lee Miller, une pionnière des Années Folles et de la Seconde Guerre mondiale. Le réalisateur Thierry de Peretti s’attache quant à lui dans À son image au destin d’une jeune femme du quotidien “Corse-Matin” dont la mission d’observation facilitée par sa proximité avec les multiples protagonistes insulaires accompagne les bouleversements qui agitent l’Île de Beauté au cours des deux dernières décennies du XXe siècle. C’est en s’appuyant sur un roman de Jérôme Ferrari (Actes Sud, 2018) que le cinéaste a trouvé matière à cette réflexion sur le pouvoir des images qui fait évidemment aussi partie intégrante du septième art par essence. Son personnage principal occupe un poste stratégique de témoin silencieux, sans prédilection particulière pour le sensationnalisme. Sa vie va pourtant être imprégnée par les événements auxquels elle assiste et les gens qu’elle rencontre, jusqu’à imbriquer son espace le plus intime au sein de son environnement immédiat.
Marc’Antonu Mozziconacci et Clara-Maria Laredo
À son image est résolument indissociable de son interprète principale, Cara-Maria Laredo, qu’on peut qualifier de miraculeuse tant elle s’empare de son personnage pour ne faire qu’un avec cette photographe qui vit en quelque sorte elle-même en double. Une fois en tant qu’être humain sur le seuil puis au fil de l’existence, une autre avec ce recul que lui confère le fait de regarder le monde à travers son objectif, jusqu’au moment où ces deux regards convergent comme dans la superposition de deux images qui en génère une troisième en 3D. La performance de la comédienne est d’autant plus impressionnante qu’elle s’accompagne aussi de son propre vieillissement en reflétant simultanée son expérience de la vie et l’apprentissage de son métier. Inlassable chroniqueur de la Corse à travers des films tels que Les Apaches (2013) et Une vie violente (2017) qui ne laissent aucune place au folklore ou au pittoresque pour touristes, Thierry de Peretti inscrit son nouveau film dans leur continuité, mais prend un peu plus de recul en les filtrant à travers la personnalité de cette jeune femme qui s’est assignée pour fonction d’observer le monde qui l’entoure, quitte à s’impliquer personnellement. Son quatrième long métrage capitalise sur l’expérience cinématographique accumulée avec les précédents et propose une réflexion passionnante sur les risques que fait encourir à celles et ceux qui le pratiquent le métier de photo-reporter. Comment témoigner sans s’impliquer au point de se mettre en danger ? Telle est la question épineuse à laquelle tente de répondre cette mise en abyme profonde jusqu’à l’ivresse. Suivez le guide !
Jean-Philippe Guerand
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