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“La prisonnière de Bordeaux” de Patricia Mazuy



Film français de Patricia Mazuy (2024), avec Isabelle Huppert, Hafsia Herzi, Noor Elsari, Jean Guerre Souye, Robert Plagnol, Julia Vivoni, Lola Jehl, Sava Lolov, Frédéric Noaille, Florentina Ienachescu, Céline Chlebowsky, Laetitia Persick, Lamya Boutadiz, Farida el Bermile… 1h48. Sortie le 28 août 2024.



Hafsia Herzi et Isabelle Huppert



C’est dans la foulée des Gens d’à côté d’André Téchiné que Patricia Mazuy a décidé de recruter ses deux interprètes pour son nouvel opus. Isabelle Huppert, la réalisatrice l’avait déjà dirigée dans son deuxième film, Saint-Cyr (1999). Hafsia Herzi est peut-être son héritière la plus naturelle par ses choix exigeants et une appétence à élargir son registre dramatique à l’infini, tout en s’imposant comme une égérie incontournable de notre cinéma par sa capacité à se mettre dans la peau des personnages les plus ordinaires. Ses choix sont rarement négligeables. Elle a même réussi à se rendre indispensable en tant qu’égérie d’un certain cinéma d’auteur avide d’émotions fortes, comme en ont témoigné récemment Le ravissement où elle incarnait une sage-femme mythomane et Borgo dans lequel elle campait une gardienne de prison. Retour en détention avec La prisonnière de Bordeaux où elle se prend d’amitié pour une femme rencontrée dans un parloir. L’une et l’autre ont en commun de rendre visite à leur homme et d’y trouver le terreau d’une amitié qui ne demande qu’à éclore et à faire office de remède à l’ennui. Entre la grande bourgeoise solitaire recluse dans sa vaste maison vide et la jeune mère contrainte d’accomplir d’épuisantes allées et venues entre sa banlieue lointaine et la prison en s’astreignant à des contraintes ubuesques vont s’établir d’étranges relations à partir du plus improbable de leurs points communs.



Hafsia Herzi et Isabelle Huppert



Patricia Mazuy capitalise sur la complicité de ses deux interprètes féminines pour mettre en évidence le plus petit dénominateur commun qui les relie : leurs vies sont comme suspendues par la détention de leurs conjoints qui les a elles-mêmes enfermées dans une sorte de prison mentale dont l’issue semble incertaine et lointaine. Du coup, elles se consolent l’une l’autre et font table rase de leurs différences sociales prononcées qui auraient dû les empêcher de se rencontrer dans un autre contexte. La mise en scène souligne à dessein ce qui les sépare pour mieux montrer ce qui les rapproche, notamment leur rapport au temps. L’aînée est dépeinte comme ces dames du Moyen-Âge qui attendaient cloîtrées dans leur château le retour de leur seigneur parti aux croisades. Sa cadette est confrontée quant à elle au destin de ces banlieusardes de la classe moyenne contemporaine qui doivent élever leurs enfants souvent seules et vaquer aux tâches domestiques, tout en gagnant leur vie tant bien que mal. L’habileté de la réalisatrice consiste à jouer de ce contraste comme d’une composante parmi d’autres, mais de s’attacher davantage à ce qui rapproche ces deux femmes dépossédées de leur destinée qu’à ce qui pourrait les séparer dans un tout autre contexte. C’est la singularité de cette confrontation que d’envisager la thématique pesante des rapports de classe sous cet angle si singulier.

Jean-Philippe Guerand





Hafsia Herzi, Isabelle Huppert et Robert Plagnol

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