Accéder au contenu principal

“La nuit se traîne” de Michiel Blanchart



Film belgo-français de Michiel Blanchart (2024), avec Jonathan Feltre, Natacha Krief, Jonas Bloquet, Romain Duris, Thomas Mustin, Sam Louwyck, Nabil Mallat, Claire Bodson, Graham Guit, Marco Maas, Cécile de Moor, Guillaume Kerbusch… 1h30. Sortie le 28 août 2024.



Jonathan Feltre



Le polar constitue depuis toujours un banc d’essai pour les cinéastes en herbe. Il connaît d’ailleurs depuis quelque temps un spectaculaire retour en grâce après une longue appropriation par la télévision, tant ce genre multiple s’avère propice à jouer têtes chercheuses parmi les milieux les plus variés. Le réalisateur belge Michiel Blanchart choisit pour héros malgré lui un serrurier appelé en pleine nuit pour ouvrir une porte par une jeune femme qui s’avère ne pas être l’occupante légitime des lieux. Une intervention de routine qui va tourner au cauchemar lorsque l’étudiant bricoleur va devenir la cible d’une bande de tueurs bien décidés à lui faire identifier cette mystérieuse cliente qui a abusé de lui en le mettant en danger dans un environnement urbain filmé avec beaucoup de talent, entre cascades et course poursuite à tombeau ouvert. Avec Romain Duris dans le rôle d’un redoutable caïd local qui regarde tomber les hommes sans états d’âme particuliers. Ce motif de course poursuite a beaucoup servi par le passé, notamment dans le fameux 125, rue Montmartre de Gilles Grangier où Lino Ventura campait un crieur de journaux embarqué dans un cauchemar. C’est l’histoire vieille comme le monde du type qui se retrouve malgré lui au mauvais endroit au mauvais moment et doit payer les pots cassés par d’autres. Drôle d’endroit pour une rencontre, en somme.



Romain Duris et Jonathan Feltre



Prenant le contre-pied des polars sous l’influence des Shoot ‘em up eux-mêmes dérivés des jeux vidéo, La nuit se traîne brode autour de ses rebondissements incessants et réussit la prouesse de donner un supplément de chair et d’âme à ses protagonistes, à commencer par son personnage principal qu’incarne l’excellent Jonathan Feltre, agneau contraint de se transformer en loup pour déjouer les redoutables intentions de ses ennemis non identifiés. Déjà remarqué pour ses courts métrages, Blanchart témoigne d’entrée de jeu d’une grande maestria et semble paré pour une prometteuse carrière sur le registre d’un cinéma spectacle qui respecte au plus haut point son public et le gratifie de sensations fortes. Son film est une belle mécanique de précision dont la tension ne se relâche pas, malgré un scénario au fond assez basique qui recycle des situations souvent vues à l’écran. Il s’en remet pour cela à une mise en scène nerveuse qui ne sacrifie aucun de ses protagonistes et exploite le peu de notoriété de ses interprètes pour ajouter à la crédibilité de leurs personnages. C’est de la belle ouvrage exécutée par un artisan respectueux des codes qu’il s’approprie et soucieux d’inscrire son propos dans un cadre urbain et nocturne, une figure imposée du polar exploitée il y a tout juste un an dans le film italien Dernière nuit à Milan. Retenez le nom du réalisateur Michiel Blanchart et ceux de ses jeunes interprètes, Jonathan Feltre et Natacha Krief. On en reparlera assurément très vite…

Jean-Philippe Guerand





Natacha Krief

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la violence. En outre, c’était

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract