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“La belle affaire” de Natja Brunckhorst



Zwei zu Eins Film allemand de Natja Brunckhorst (2024), avec Sandra Hüller, Max Riemelt, Ronald Zehrfeld, Ursula Werner, Peter Kurth, Martin Brambach, Kathrin Wehlisch, Anselm Haderer, Lotte Shirin Keiling, Robert Höller, Olli Ditrich, Tom Keunen, Uwe Preuss, Yorck Dippe, Tilla Kratochwil… 1h56. Sortie le 28 août 2024.



Sandra Hüller



Ceci est une histoire vraie. Formule magique qui légitime les films les plus invraisemblables. L’histoire que raconte La belle affaire se situe à un moment crucial de la réunification allemande, en 1990, lorsque les citoyens de l’ex-RDA ont été conviés à changer leurs marks sur le point d’être démonétisés contre des sommes équivalentes dans la puissante devise de l’ex-RFA. Ce que n’avaient pas prévu les autorités, c’est que les chômeurs d’une cité ouvrière allaient découvrir la galerie souterraine dans laquelle étaient entreposés les billets est-allemands avant leur destruction et entreprendraient d’en dépenser un maximum en espèces sonnantes et trébuchantes avant leur démonétisation irréversible. Un conte immoral qui exalte les bienfaits de la solidarité et montre les gens les plus ordinaires confrontés à une fortune subite qu’ils consacrent à exaucer leurs rêves les plus prosaïques en changeant ces billets tombés du ciel… ou plutôt jaillis de sous la terre d’Halberstadt. Comme si les pauvres étaient bien trop innocents pour s’adonner aux calculs cyniques des riches. Cette comédie chorale s’impose comme un joli portrait de groupe qui aurait fait la joie de certains metteurs en scène anglais de l’Après-Guerre ou des maîtres de la fameuse comédie à l’italienne par la solidité de son ancrage social. Le sujet est si fort en soi qu’il apparaît de nature à inspirer une joyeuse étude de caractères dont le ton alerte contraste avec le cadre grisâtre de cette cité d’Allemagne orientale qui n’a pas encore tout à fait réalisé les bienfaits de l’économie de marché dans lequel elle a basculé avec l’effondrement du Mur de Berlin puis du Rideau de Fer.



Max Riemelt, Sandra Hüller et Ronald Zehrfeld



Par son sujet et son traitement, ce film choral évoque certains fleurons de la comédie italienne en mettant en scène une communauté gagnée par un vent de folie et la promesse d’une fortune véritablement tombée du ciel. Une aubaine d’autant plus savoureuse qu’elle concerne des citoyens conditionnés par les rigueurs du régime est-allemand, mais prompts à se convertir aux règles de l’économie de marché sans réels états d’âme. Très différent du cinéma germanique qu’on a coutume de voir diffusé en France, celui des auteurs purs et durs passés par les festivals internationaux, cette comédie de mœurs à vocation commerciale a pour réalisatrice Natja Brunckhorst qui fut dans son adolescence l’interprète principale de Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée… Elle y offre en outre un rôle inattendu à Sandra Hüller qui confirme son appétence pour la légèreté dans la lignée du film qui l’a fait connaître en France, Toni Erdmann (2016) de Maren Ade. La comédienne souvent assignée à des rôles écrasants, que ce soit dans Anatomie d’une chute ou La zone d’intérêt, trouve ici une nouvelle occasion de démontrer l’étendue de son registre et donne le tempo de cette comédie virevoltante qui prend pour moteur l’argent dans une société allemande protestante où il est volontiers caché et constitue un sujet tabou par bien des aspects. La soudaine richesse de ces gens, pour pasticher le titre célèbre d’un classique de Volker Schlöndorff, sert surtout à mettre en évidence une fatalité sociale qui finira par briser le charme de cette fable menée crescendo jusqu’à l’euphorie, avant que le principe de réalité ne produise ses effets.

Jean-Philippe Guerand





Sandra Hüller et Max Riemelt

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