Accéder au contenu principal

“City of Darkness” de Soi Cheang



Twilight of the Warriors : Walled In / Jiu Lóng Chéng Zhài·Wéi Chéng Film hongkongais de Soi Cheang (2024), avec Louis Koo, Sammo Kam-Bo Hung, Raymond Lam, Richie Jen, Philip Ng, Terrance Lau, Tak-Bun Wong, Tony Tsz-Tung Wu, Chung Him Law, Man Kit Cheung, German Cheung, Fish Liew, Pak Hon Chu… 2h05. Sortie le 14 août 2024.



Louis Koo



Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse. Le cinéma de Hong-Kong n’a souvent besoin que de simples prétextes pour déployer ses charmes. Dans City of Darkness, c’est un clandestin en cavale poursuivi par le caïd des triades qui se retrouve au cœur de la citadelle interdite de Kowloon des années 80, un véritable empire dans l’empire de la concession britannique, enclave de non-droit annexée par les gangs les plus redoutables de la péninsule. Un lieu de perdition dont les forces de l’ordre se tiennent à distance, tant elles sont conscientes que ce serait mettre un pied dans l’inconnu que de se hasarder à tenter une intrusion. Du réalisateur Soi Cheang, on a pu admirer la virtuosité sur un registre opposé il y a tout juste un an dans Limbo, thriller fantasmatique en noir et blanc. Il revient ici à un registre nettement plus balisé en orchestrant une chasse à l’homme haletante en milieu hostile. Tiré de la bande dessinée homonyme d’Andy Seto, ce film de pure distraction coche toutes les cases de la tradition hongkongaise, avec ses combats chorégraphiés et son rythme métronomique. Il réunit par ailleurs quelques-uns des plus grands noms de ce cinéma dont le tout puissant Louis Koo, le vétéran Sammo Hung, l’acteur taïwanais fétiche de Johnnie To, Richie Ren, et Philip Ng qui a incarné Bruce Lee dans Chasing the Dragon (2018), face au très charismatique Raymond Lam entraîné dans une spirale vertigineuse.



Louis Koo et Raymond Lam



Découvert à Cannes en séance de minuit, City of Darkness relève autant du film d’art martiaux traditionnel par ses affrontements incessants que du récit initiatique. Sa plus grande prouesse consiste à reposer sur une intrigue qui constitue le prétexte à une succession exponentielle de morceaux de bravoure. Son jeune protagoniste y accomplit un authentique parcours du combattant au fil duquel il s’affirme dans les circonstances les plus extrêmes, face à des antagonistes qui représentent chacun des valeurs spécifiques. Ce film spectaculaire bénéficie en outre de la contribution précieuse d’une équipe artistique d’élite qui comprend notamment le chef opérateur Siu-Keung Cheng, le directeur artistique Kwok-Keung Mak et le chorégraphe japonais de scènes d’action Kenji Tanigaki. Des talents au service d’une machine réglée avec une haute précision dans des cadres monumentaux comme les affectionne le réalisateur originaire de Macao dont on a pu découvrir il y a tout juste un mois l’opus précédent, Mad Fate. Il confirme sa maestria dans l’action et son goût pour les cadres pittoresques en servant à merveille une intrigue réduite à sa plus simple expression qui transcende les conventions du manichéisme. Pour le plaisir. Tout simplement.

Jean-Philippe Guerand






Philip Ng

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la violence. En outre, c’était

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract