Bakeneko anzu-chan Film d’animation nippo-français de Yôko Kuno et Nobuhiro Yamashita (2024), avec (voix) Mirai Moriyama, Noa Gotô, Munetaka Aoki, Miwako Ichikawa, Keiichi Suzuki, Shingo Mizusawa, Wataru Sawabe, Shôhei Uno, Mutsuo Yoshioka… 1h34. Sortie le 21 août 2024.
En séjour chez son grand-père paternel qui vit dans une bourgade provinciale, une gamine de 11 ans se voit placée par son aïeul sous la bonne garde d’un chat-fantôme au caractère aussi malicieux que capricieux. Passée une période d’adaptation, le félin et la préadolescente nouent une complicité inattendue qui va les stimuler réciproquement. Le scénario du film de Yôko Kuno et Nobuhiro Yamashita est l’adaptation d’un manga original de Takashi Imashiro, mais se nourrit de sources d’inspiration diverses. Son jeune personnage principal humain doit ainsi beaucoup au Déménagement (1993) de Shinji Sômai qui évoquait un divorce du point de vue d’une jeune fille, tandis que son animal de compagnie souriant est pour sa part le digne héritier d’une longue tradition nippone : les yokai, des créatures surnaturelles légendaires qui nourrissent l’imaginaire de tous les enfants japonais, à mi-chemin entre amis imaginaires et anges gardiens. Autre influence majeure dont se nourrit cette comédie philosophique : le bestiaire foisonnant de l’incontournable Mon voisin Totoro de Hayao Miyazaki. On retrouve d’ailleurs chez le héros poilu aux faux airs de Garfield d’Anzu, chat-fantôme ce caractère serviable et dévoué qui déclenche parfois des catastrophes involontaires, tout en affichant une détermination à toute épreuve. Le contraste s’avère d’autant plus saisissant avec la famille au fond assez peu recommandable de la jeune héroïne, avec son père criblé de dettes et sa mère disparue qui fait des ménages dans l’Au-Delà.
Esthétiquement, le film joue la carte du réalisme en utilisant la technique de la rotoscopie pour accentuer son réalisme. Une première version de cette histoire a été tournée et montée en prise des vues réelles dont certaines parties ont ensuite servi de base à la confection de l’animation proprement dite. Une démarche singulière de stylisation qui confère au film une valeur ajoutée sur le plan émotionnel et une dimension poétique solidement ancrée dans le réel, grâce aussi à une psychologie fouillée des personnages, à l’instar de ce grand-père protecteur qui protège la gamine par l’entremise du matou Anzu. Le film est aussi une invitation au rêve à travers l’imagination débridée de ce personnage auquel il suffit de croire pour élargir son horizon existentiel. Ce bon gros géant a d’ailleurs fini par se fondre naturellement dans cet environnement et plus personne ne s’étonne de sa présence pourtant immatérielle dont la justification consiste en fait à permettre à la jeune héroïne de sortir de son isolement et de se tourner enfin vers les autres. C’est en cela que ce conte d’apprentissage sur le travail de deuil acquiert une portée universelle en décrivant l’âge ingrat comme une sorte de prison dont il faut parvenir à s’évader pour pouvoir grandir et devenir adulte. D’où l’importance d’associer la réalisatrice d’animation Yôko Kuno et le cinéaste traditionnel Nobuhiro Yamashita afin de croiser et de transcender leurs compétences respectives dans un projet qui l’exige. Anzu, chat-fantôme témoigne de cette richesse d’inspiration en trouvant à tout moment le ton juste. C’est une merveille d’intelligence et de finesse.
Jean-Philippe Guerand
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