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“Only the River Flows” de Shujun Wei



He bian de cuo wu Film chinois de Shujun Wei (2023), avec Yilong Zhu, Zeng Meihuizi, Hou Tianlai, Tong Lin Kai, Chloe Maayan, Han Chen, Chu Bu Hua Jie, Jun Huang, Miyi Huang, Chunlei Kang, Baisha Liu, Kira Wang, Hexiang Yan, Cao Yang, Qi Zeng, Qingyun Zhou, You Zhou… 1h42. Sortie le 10 juillet 2024.



Yilong Zhu



Longtemps représenté dans les festivals internationaux par des auteurs comme Zhang Yimou et Chen Kaige, depuis lors rentrés dans le rang et amadoués à grands renforts de projets pharaoniques et de budgets démesurés par le pouvoir officiel, le cinéma chinois a perdu de son éclat. Son identité est représentée aujourd’hui par des auteurs aux moyens plus modestes qui n’abordent pour la plupart les sujets politiques qu’en usant des conventions du cinéma de genre ou au détour d’une réplique. C’est le cas de Séjour dans les monts Fuchun (2019) de Gu Xiaogang, du Retour des hirondelles (2022) de Li Ruijun et des documentaires fleuves de Wang Bing. Only the River Flows s’inscrit quant à lui davantage dans la veine du polar naturaliste illustrée par Le lac aux oies sauvages de Diao Yinan présenté en compétition au Festival de Cannes 2019 avec lequel il partage en outre une certaine splendeur visuelle au rendu vintage assumé. Le film de Shujun Wei a quant à lui été présenté l’an dernier dans la section Un certain regard et transpose les codes du cinéma noir occidental dans les années 1990, en s’inspirant d’une nouvelle de Yu Hua qui arbore selon lui deux caractéristiques spécifiques de cette époque : « Le poids excessif de l’esprit collectif qui pèse sur l'individu et la solitude de l’individu face à un monde absurde. » Le prétexte en est une enquête de routine sur trois meurtres commis dans une petite ville provinciale qui révèlent un climat délétère en désignant divers suspects potentiels et où un cinéma à l’abandon est reconverti symboliquement en commissariat de fortune. Tout un symbole !



Yilong Zhu



Only the River Flows s’ouvre sur une citation d’Albert Camus selon laquelle « on ne comprend pas le destin et c’est pourquoi je me suis fait destin. J’ai pris le visage bête et incompréhensible des dieux ». Doté de cette dimension supplémentaire, le film s’inscrit autant dans la tradition de certains polars sud-coréens qui sondent les tourments de l’âme humaine à travers la noirceur d’intrigues parfois sordides qui reflètent le malaise ambiant. Une thématique classique qui a naguère inspiré à des cinéastes aussi différents que John Huston, Claude Chabrol ou David Fincher des intrigues filandreuses destinées à montrer les dysfonctionnements de la société à travers la tâche ingrate des policiers chargés de nettoyer les écuries d’Augias dans une atmosphère crapoteuse. C’est aussi le cas de cet anti-héros d’inspecteur Ma rompu aux pires turpitudes que suit Shujun Wei à la trace sans excès de complaisance inutile. Soucieux d’inscrire cette reconstitution dans son jus, le réalisateur a opté pour un retour à la pellicule 16 mm qui accentue la dimension délibérément ordinaire de cette reconstitution méticuleuse qui n’est jamais utilisée comme un gadget ou une coquetterie. Il réussit ainsi la primeur insigne d’évoquer cette fin de millénaire sans s’attarder en aucun cas sur sa dimension politique, ce qui est aussi le meilleur moyen de déjouer les foudres de la censure en reconstituant un état d’esprit qui rend compte subtilement de l’air du temps. Et le cinéma explose à chaque instant par son inventivité foisonnante.

Jean-Philippe Guerand







Zeng Meihuizi et Yilong Zhu

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