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“Moi, moche et méchant 4” de Chris Renaud et Patrick Delage



Despicable Me 4 Film d’animation américain de Chris Renaud et Patrick Delage (2024), avec (voix) Steve Carell / Gad Elmaleh, Kristen Wiig / Audrey Lamy, Will Ferrell / Alex Lutz, Steve Coogan, Miranda Cosgrove, Dana Gaier, Madison Polan, Sofía Vergara, Joey King, Stephen Colbert, Pierre Coffin… 1h34. Sortie le 10 juillet 2024.





L’histoire des Minions est un véritable conte de fées moderne qui a véritablement pris son envol avec Moi moche et méchant (2010) où pointait son nez un personnage promis à un brillant avenir : un méchant qui va peu à peu s’humaniser et se transformer petit à petit en gentil membre de l’agence Vigilance de Lynx. Dans Moi, moche et méchant 4, ce papa gâteau de trois filles, éprouvé précédemment par maintes révélations funestes sur ses origines, accueille son premier garçon, Gru Jr., un bon petit diable qui le soumet à rude épreuve, au moment même où apparaît une nouvelle menace en la personne de Maxime Le Mal (en français dans le texte), un ennemi d’enfance qui a mal tourné, et de sa vamp de chevet, Valentina, qui vaut à sa famille de bénéficier d’un programme de protection des témoins. Mais pour ses ennemis acharnés, tous les coups semblent permis. Forte d’une quinzaine d’années d’expérience et de près de cinq milliards d’euros de recette cumulée, la franchise vedette du studio français Illumination repose sur un art consommé de la disruption qui incite ses réalisateurs à ne jamais se reposer sur leurs lauriers et à s’autoriser toutes les audaces ou presque. Résultat, on rit de la première à la dernière image sous l’effet de ces Minions jaunes et délurés auxquels Pierre Coffin en personne prête sa voix pour débiter des onomatopées si évocatrices que leur enthousiasme communicatif réussit à les rendre intelligibles.





Au-delà du caractère atypique de Gru, ce gentil méchant doux affublé d’une écharpe ringarde d’ex-vieux garçon atteint d’une calvitie précoce dont on a découvert pourquoi il avait mal tourné au cours de l’escapade dans l’époque disco de Minions 2 : il était une fois Gru, Moi, moche et méchant 4 le transforme carrément en père tranquille transfiguré par son bonheur familial qui a troqué ses innombrables Minions aux dégaines pittoresques et au galimatias abscons contre des rejetons humains faits maison. Le film constitue en cela une savoureuse mise en boîte de l’American Way of Life, sur le mode du cinéma d’espionnage aux signes extérieurs les plus sophistiqués. Loin de succomber aux sirènes de la course au progrès technologique, le film joue la cohérence esthétique et s’inscrit dans la continuité des opus précédents sans jamais chercher la surenchère à tout prix. Résultat, la franchise respecte son programme politique et illustre brillamment le changement dans la continuité. Gru possède ainsi désormais un solide vécu qui lui a permis de se transfigurer et de passer du statut de méchant d’anthologie à celui de brave type éprouvé par la vie qui est parvenu à devenir un héros sans pour autant en posséder ni le look ni les pouvoirs. Quant à ses fidèles supplétifs, les Minions, ils brillent davantage par leur fidélité, leur détermination et leur quantité que par leur intelligence ou leurs calculs. Ce film facétieux nous gratifie très précisément de ce qu’on était en droit d’en attendre : un rythme soutenu et une fantaisie renouvelée. On n’en demandait pas davantage.

Jean-Philippe Guerand







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