Film américain d’Osgood Perkins (2024), avec Maika Monroe, Alicia Witt, Nicolas Cage, Dakota Daulby, Vanessa Walsh, Blair Underwood, Charles Jarman, Lisa Chandler, Erin Boyes, Rryla McIntosh… 1h41. Sortie le 10 juillet 2024.
Maika Monroe
Le cinéma d’horreur est devenu en quelques années une manne épuisable dont les croque-mitaines se ressemblent parfois beaucoup. Ce genre est par ailleurs plus que tout autre le creuset des névroses et des psychoses de l’Amérique profonde que l’écrivain Stephen King a si bien synthétisées, avec ses ploucs bas de plafond et autres suprémacistes blancs qui se sont sentis pousser des ailes avec l’accession au pouvoir de Donald Trump. Ce phénomène s’est popularisé à l’orée des années 70, c’est-à-dire simultanément au Nouvel Hollywood avec des cinéastes dont la réputation n’a cessé de prospérer, qu’il s’agisse de George Romero, John Carpenter, Wes Craven ou Tobe Hooper. Au point d’engendrer à vingt ans de distance des remakes et des reboots tout aussi fructueux au box-office, avec une constante largement partagée : la menace émane de marginaux rejetés par la société qui assouvissent ainsi une vengeance occulte en mettant à jour des dysfonctionnements graves. Dernier né de ces monstres enfouis au plus profond de la société américaine, Longlegs est un être à la silhouette d’échassier et à la stature d’épouvantail à moineaux auquel Nicolas Cage prête son timbre de voix reconnaissable et que tout désigne comme un redoutable tueur en série. Jusqu’au moment où une jeune recrue du FBI affectée à ce Cold Case se trouve confrontée au spectre d’un passé qu’elle a sans doute cherché à exorciser en choisissant ce métier à haut risque qui menace de dissoudre sa vie privée dans cette affaire.
Maika Monroe
Par son personnage d’enquêtrice qui évoque autant l’inoubliable Clarice Sterling incarnée par Jodie Foster dans Le silence des agneaux que la jeune recrue du FBI campée par Shailene Woodley dans le récent Misanthrope, Longlegs évolue sur le registre du mimétisme psychologique, en mettant en parallèle une investigation criminelle et une tentative de rédemption sur fond de traumatisme originel. Le film cultive adroitement le mélange des genres et nous entraîne en fait dans l’inconscient d’une jeune femme passablement perturbée qui exorcise ses vieux démons en exerçant sans garde-fou un métier pratiqué comme une thérapie de choc. Pas question pour autant de s’appesantir sur le caractère psychologique de cette ténébreuse affaire. Contrairement à toutes les règles en vigueur, l’épicentre de l’intrigue n’est pas le criminel, mais bien celle qui le traque sans relâche et dont l’identité dévoilera qu’il n’a jamais cessé de la harceler et de l’obséder en décidant malgré elle de sa vocation. La mise en scène joue la carte de l’élégance en se concentrant davantage sur les visages que sur les effets spectaculaires pour décrire minutieusement la tempête sous un crâne qui gronde chez une jeune femme bien décidée à exorciser ses vieux démons, quitte à accomplir l’acte symbolique suprême s’il en est : tuer le père. C’est tout l’enjeu de ce film qui refuse en permanence le confort des lieux communs et des stéréotypes sans jamais chercher à flatter nos plus bas instincts à grands renforts d’effets aussi vains que complaisants.
Jean-Philippe Guerand
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