Film franco-suisse d’Emmanuel Laskar (2021), avec Emmanuel Laskar, Louise Bourgoin, Noémie Lvovsky, Maud Wyler, Alexandre Steiger, Maxence Tual, Christophe Paou… 1h20. Sortie le 10 juillet 2024.
Le cinéma est devenu une vaste affaire de marketing qui a besoin plus que tout de produits calibrés pour pouvoir les positionner et les aider à atteindre leur public… supposé. L’une des particularités du première long métrage d’Emmanuel Laskar est d’échapper à cette classification, en investissant simultanément les registres de la comédie sentimentale et du drame psychologique avec quelques échappées du côté du surnaturel. C’est sans doute ce qui explique que son distributeur ne l’exploite finalement que trois ans après sa réalisation, qui plus est pendant la période estivale où la concurrence est plus limitée, surtout entre deux événements sportifs du calibre de l’Euro de football et des Jeux Olympiques. Le triomphe historique de la dernière Fête du Cinéma a toutefois été perçu comme un signe très positif de l’attachement du public aux salles obscures, même en période de disette hollywoodienne critique. Le médium s’attache à la rencontre compliquée d’un vieux garçon affecté par une rupture douloureuse dont la mère vient de disparaître et d’une jeune veuve séduisante et insaisissable. Une romance atypique qui confronte au réalisateur dans le rôle principal Louise Bourgoin dont on ne répétera jamais assez qu’elle possède une classe naturelle hors du commun et un charme qui ne doit rien aux artifices. Deux êtres que va rapprocher le poids de l’Au-Delà, elle se rattachant à la communication avec les morts et lui refusant d’assumer un héritage occulte pesant sous la forme d’un don de médium auquel il refuse de se soumettre depuis toujours mais qui va le rattraper malgré lui.
Emmanuel Laskar et Maud Wyler
Transfuge de la troupe des Chiens de Navarre dont le créateur, Jean-Christophe Meurisse, a signé récemment Les pistolets en plastique, Emmanuel Laskar décale ici les standards habituels de la comédie comme de la romance pour s’autoriser d’authentiques échappées poétiques qui voient les spectres et les fantômes des chers disparus s’immiscer à tout moment dans le réel le plus prosaïque. Des interventions frontales exprimées visuellement sur un mode qu’on pourrait qualifier de vintage. Un traitement par ailleurs burlesque qui n’est pas sans évoquer des œuvres aussi différentes que L’aventure de madame Muir (1947) ou Ghost (1990) par ses intrusions intempestives d’un cher disparu qui entend régenter le reste de la vie amoureuse de sa veuve et en arrive à devenir envahissant après l’avoir empêchée d’avancer du fait de son absence obsédante. L’atout maître du film réside dans son charme qui doit moins à des artifices visuels et sonores résolument élémentaires qu’au charme maladroit de ses deux tourtereaux liés par une même attirance pour un surnaturel qui perd beaucoup de sa magie. Les intrusions du fantastique y sont traitées comme des touches de pure fantaisie. Avec en guise d’outsider la mère que campe la toujours extravagante Noémie Lvovsky dans une composition particulièrement savoureuse. Le médium est une jolie réussite qui révèle un auteur adepte des chemins de traverse au sein d’un cinéma français qui manque cruellement de voix alternatives. Son insouciance primesautière ponctuées de questionnements existentiels fait plaisir à voir.
Jean-Philippe Guerand
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