Film français de Pablo Cotten et Joseph Rozé (2024), avec Andranic Manet, Alassane Diong, Alba Gaia Bellugi, Carla Audebaud, Nina Zem, Arcadi Radeff, Noée Abita, Matthieu Rozé, Florence Loiret Caille, Philippe Cotten… 1h20. Sortie le 10 juillet 2024.
Andranic Manet et Nina Zem
Rien de tel que de réunir quelques individus dans un même lieu pour mesurer leurs relations et en tirer quelques enseignements psychologiques, sociaux, moraux voire politiques et philosophiques. Ce postulat a beaucoup servi, en littérature, au théâtre, mais aussi au cinéma, avec des réussites diverses qui font généralement la part belle aux interprètes conviés à la fête. Un défi en forme de parcours fléché qui a le mérite d’être conciliable avec des moyens raisonnables et de constituer un banc d’essai probant pour un réalisateur débutant en quête de reconnaissance. La récréation de juillet évoque les retrouvailles dans une cour d’école désertée pour cause de vacances d’un jeune professeur de musique orphelin de sa sœur jumelle et de ses cinq meilleurs amis avec lesquels il a entretenu des rapports de natures différentes avant que la vie ne se charge de les éloigner les uns des autres. Sous l’insouciance perce toutefois rapidement une certaine gravité qui va contribuer à ce jeu de la vérité, en laissant les langues se délier, avec les rancœurs, les remords et les regrets de circonstance. Plane sur cette réunion faussement festive l’ombre écrasante de la disparue et bon nombre de malentendus jamais résolus. Pablo Cotten et Joseph Rozé accordent une importance particulière à deux composantes déterminantes : les dialogues et leurs interprètes, en jouant sur une nostalgie qui évoque celle du Péril jeune de Cédric Klapisch, mais où l’amertume et la désillusion finissent par dominer.
Andranic Manet
L’acteur principal de ce film, Andranic Manet, semble d’ores et déjà promis à un bel avenir. On le retrouvera le mois prochain dans le rôle-titre du nouveau film des frères Larrieu, Le roman de Jim. Il s’impose naturellement par le contraste saisissant qu’il cultive entre sa stature imposante et une gaucherie étudiée associée à un malaise perceptible qui le prédisposent aux emplois les plus complexes. C’est d’ailleurs l’une des caractéristiques principales de son personnage que de jouer de cette ambiguïté en permanence et de cheminer sur une sorte de corde raide existentielle qui semble prête à se casser à chaque instant. Au point qu’il réussit à attirer la pitié et la compassion sans avoir à forcer son jeu. La réussite principale du film consiste à prendre ses distances avec ce qui semblait devoir être son ordre de route. À savoir des retrouvailles qui tournent à l’aigre. Le mérite en revient pour une bonne part à la direction d’acteurs qui s’ingénie à faire sortir la plupart des personnages de leur zone de confort, quels que soient l’importance de leur intervention et leur degré de notoriété. Alba Gaia Bellugi, Noée Abita, Florence Loiret Caille et Matthieu Rozé font figure de têtes de gondole d’une distribution qui brille à la fois par son homogénéité et sa diversité. Les réalisateurs refusent toutefois de juger ces protagonistes pour nous livrer un portrait de groupe en proie aux atteintes du temps qui apparaît rien moins qu’universel. Chacun y reconnaîtra… des autres !
Jean-Philippe Guerand
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