Accéder au contenu principal

“Highway 65” de Maya Dreifuss



Film franco-israélien de Maya Dreifuss (2023), avec Tali Sharon, Idan Amedi, Sara von Schwarze, Dikla, Igal Naor, Boaz Konforty, Anastasia Fein… 1h48. Sortie le 31 juillet 2024.



Idan Amedi et Tali Sharon



Le polar a ceci de particulier qu’il n’a pas besoin de grand-chose pour tisser sa toile et possède une puissance d’évocation universelle qui repose sur des archétypes déclinables à l’infini. Highway 65 se déroule ainsi le long de l’axe autoroutier principal qui sillonne l’état d’Israël. Comme un écho lointain de ces voies infinies qui ont si souvent servi de cadre aux Road Movies américains chers au Nouvel Hollywood, avec leurs espaces infinis et leurs motels sur lesquels le temps n’exerce aucune prise. C’est là, au beau milieu d’un grand nulle part couvert de champs de maïs à perte de vue, que se situe la bourgade quelconque d’Hafoula. Un point banal sur une carte où a été retrouvé le téléphone mobile d’un ex-reine de beauté portée disparue, mais dont l’absence ne semble avoir perturbé personne. Hormis une femme flic chargée d’enquêter sur ce crime sans victime où tous les suspects apparaissent comme des coupables en puissance. Ne serait-ce que par leur mépris et leur hostilité vis à vis de cette fonctionnaire venue de Tel Aviv qui entend bien se venger de cette mutation provinciale infâmante en résolvant cette énigme qui arbore tous les signes extérieurs d’un Cold Case en territoire ennemi.



Tali Sharon et Sara von Schwarze



Grand prix du festival Reims Polar, Highway 65 convoque le meilleur du cinéma policier dans un contexte particulièrement délétère et avec une enquêtrice brillante qui concentre pourtant à elle seule bien des handicaps aux yeux des autochtones : non seulement c’est une femme, mais elle assume sa liberté sexuelle, admet son peu d’appétence pour les tâches ménagères les plus élémentaires, mais envisage son métier comme un sacerdoce, face à des notables locaux qui jouissent de leur impunité sans réaliser qu’elle est indifférente à cette fonctionnaire de police dépourvue d’états d’âme et de complexes sociaux. Un personnage résolument indissociable de son interprète devenue l’actrice fétiche de la réalisatrice Maya Dreifuss, transfuge de la fameuse Cinéfondation cannoise, en l’espace d’un court et de deux longs métrages. Tali Sharon ne fait qu’un avec cette célibataire sans enfants indifférente au qu’en dira-ton qui ose s’essuyer du revers de sa manche quand elle mange un sandwich aux falafels qui déborde de partout et brille autant par son bon sens ordinaire que par son instinct de fin limier. À travers cette policière banale au look ingrat qui s’habille n’importe comment, quitte à subir les humiliations incessantes de ses interlocuteurs arrogants, le film souligne à quel point la position des femmes est encore ingrate au sein d’une société israélienne profondément machiste. C’est une réussite à saluer.

Jean-Philippe Guerand




Tali Sharon

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la violence. En outre, c’était

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract