Accéder au contenu principal

“Vice-versa 2” de Kelsey Mann



Inside Out 2 Film d’animation américain de Kelsey Mann (2024), avec Kensington Tallman / Jaynelia Coadou, Amy Poehler / Charlotte Le Bon, Phyllis Smith / Marilou Berry, Lewis Black / Gilles Lellouche, Tony Hale / Pierre Niney, Liza Lapira / Mélanie Laurent, Maya Hawke / Dorothée Pousséo, Ayo Edebiri / Kaycie Chase, Adèle Exarchopoulos… 1h36. Sortie le 19 juin 2024.





En 2015, Vice-versa confirmait la volonté de Pixar d’utiliser les ressources du cinéma d’animation pour traiter de concepts sophistiqués flirtant parfois carrément avec la philosophie. En l’occurrence, La théorie des émotions énoncée par le psychologue américain Paul Ekman. Le film matérialisait les sentiments d’une façon aussi inventive que ludique en montrant que la moindre de nos réactions est le fruit d’une guerre secrète qui se déroule dans notre inconscient. On y découvrait les agissements et les interactions de cinq personnages, Joie, Colère, Dégoût, Peur et Tristesse, avec leurs conséquences sur les humeurs d’une pré-adolescente perturbée par le déménagement de sa famille. Vice-versa 2 prolonge ce propos en montrant le difficile passage à l’adolescence de Riley, tandis que de nouveaux sentiments déclenchent une véritable tempête sous son crâne et soulignent les tourments de cet âge ingrat. Anxiété, Embarras, Ennui, Envie et Nostalgie rivalisent d’ingéniosité pour s’imposer en plongeant la jeune fille dans un état de fébrilité rien moins qu’inquiétant aux yeux de son entourage confronté à une personnalité imprévisible. Rares sont les films traditionnels à avoir montré avec une telle justesse cette époque cruciale de la vie où l’insouciance de l’enfance s’évanouit pour s’aventurer sur le chemin pavé de mauvaises intentions et de contradictions qui mène vers l’âge adulte et un certain conformisme incarné ici par une cellule familiale unie qui reflète les valeurs cardinales de l’American Way of Life.





Jamais sans doute, un film n’a aussi habilement reflété les tourments de l’adolescence et ce séisme intérieur qui dépossède bien souvent les heureux élus de leur véritable caractère, l’insouciance et l’innocence cédant la place à des sautes d’humeur aussi subites que déconcertantes. Vice-versa 2 en met en parallèle les conséquences et les causes et nous invite en coulisse dans cet univers cérébral et sensoriel où les mauvais souvenirs accumulés provoquent une véritable avalanche et où les sentiments eux-mêmes se trouvent dépassés par leur pouvoir occulte. La jeune Riley n’est pourtant ni moins qu’une ado comme les autres qui entreprend de se rebeller et que le moindre détail fait “monter dans les tours” malgré elle, face à ses parents affectueux qui ne se rappellent plus avoir traversé eux-mêmes des épreuves peu ou prou identiques et à des camarades eux-mêmes à des stades différents de ce cap existentiel. Avec tout de même un Saint Graal pour égayer son quotidien : l’éventualité d’être choisie pour jouer dans une équipe de hockey sur glace montée par sa prof de sport. Rude épreuve lorsqu’on traverse des humeurs à géométrie aussi variable que celles de cette période de la vie. La réussite du film consiste à mettre des images et des sons sur un concept d’une infinie complexité à travers des personnages pour le moins singuliers qui arborent le physique de l’emploi et témoignent de l’imagination sans limites des apprentis-sorciers de chez Pixar qui tiennent avec ce film jubilatoire un succès d’ores et déjà historique dans un domaine bouillonnant d’inventivité devenu un véritable laboratoire du cinéma de demain par sa propension à engendrer des prototypes affranchis de toutes les conventions en usage.

Jean-Philippe Guerand






Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva...

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la viol...

Berlinale Jour 2 - Mardi 2 mars 2021

Mr Bachmann and His Class (Herr Bachmann und seine Klasse) de Maria Speth (Compétition) Documentaire. 3h37 Dieter Bachmann est enseignant à l’école polyvalente Georg-Büchner de Stadtallendorf, dans le Nord de la province de Hesse. Au premier abord, il ressemble à un rocker sur le retour et mêle d’ailleurs à ses cours la pratique des instruments de musique qui l’entourent. Ses élèves sont pour l’essentiel des enfants de la classe moyenne en majorité issus de l’immigration. Une particularité qu’il prend constamment en compte pour les aider à s’intégrer dans cette Allemagne devenue une tour de Babel, sans perdre pour autant de vue leurs racines. La pédagogie exceptionnelle de ce professeur repose sur son absence totale de préjugés et sa foi en une jeunesse dont il apprécie et célèbre la diversité. Le documentaire fleuve que lui a consacré la réalisatrice allemande Maria Speth se déroule le temps d’une année scolaire au cours de laquelle le prof et ses élèves vont apprendre à se connaître...