Accéder au contenu principal

“Unfrosted : L’épopée de la Pop-Tart” de Jerry Seinfeld



Unfrosted : The Pop-Tart Story Film américain de Jerry Seinfeld (2023), avec Isaac Bae, Jerry Seinfeld, Melissa McCarthy, Jim Gaffigan, Amy Schumer, Hugh Grant, James Mardsen, Jack McBrayer, Thomas Lennon, Adrian Martinez, Bobby Moynihan, Max Greenfield, Christian Slater, Sarah Cooper, Maria Bakalova… 1h33. Mise en ligne sur Netflix le 3 mai 2024.



Jerry Seinfeld (à droite)



On voit affleurer depuis quelques années un nouveau type de biopic qui se concentre non plus sur un individu remarquable mais sur une entreprise voire une marque. Des films tels que Le fondateur (2016) de John Lee Hancock (Netflix), sur l’irrésistible ascension de MacDonald’s, Air (2023) de Ben Affleck (Prime Video), consacré aux efforts déployés par Nike pour convaincre Michael Jordan de devenir son ambassadeur ou The Beanie Bubble (2023) de Kristin Gore et Damian Kulash (Apple TV+), relatant une guerre des peluches très américano-centrée, l’ont attesté avec une constante : aucun d’entre eux n’est sorti en salle. Comme si leur ambiguïté commerciale constituait encore un obstacle déontologique à leur exploitation traditionnelle. C’est cette fois au tour du comique de télévision Jerry Seinfeld de s’attaquer à l’improbable guerre des céréales du petit-déjeuner qui a fait rage sous la présidence de JFK au fin fond du Michigan. Une composante de l’American Way of Life devenue un enjeu commercial majeur pour les deux entreprises concurrentes que sont Kellog’s et Post lancées dans une concurrence effrénée pour trouver la recette de pâtisserie qui fera recette et assurera au vainqueur une hégémonie déterminante sur son rival. Jerry Seinfeld met en scène cette course à la formule magique en soulignant tout ce qu’elle peut avoir de burlesque, d’absurde et de puéril, avec ses personnages emblématiques qui revendiquent des droits à l’image sous la houlette du tigre emblématique de Frosties qu’incarne un Hugh Grant décidément irrésistible sur le registre de la comédie la plus débridée, dans la foulée du fourbe et microscopique Oompa Loompa qu’il campait récemment dans Wonka.



Melissa McCarthy, Jerry Seinfeld et Jim Gaffigan



Unfrosted : L’épopée de la Pop-Tart est une comédie délirante qui présente le capitalisme sous des dehors souriants, en réduisant les industriels à des stratèges contraints de négocier avec ceux qui se mettent dans la peau de leurs figures de proue et de faire appel à des gamins capricieux pour juger de la qualité des petits déjeuners qu’ils leur proposent. Une infantilisation réjouissante du marketing que Seinfeld traite avec son humour iconoclaste et grâce au concours d’une véritable armada de comédiens où l’on reconnaîtra des natures aussi explosives que Melissa McCarthy, Amy Schumer, James Mardsen, Christian Slater et Sarah Cooper, parfois dans des contre-emplois savoureux et vintage. La reconstitution soignée n’est pas sans évoquer certains films du début des années 60 et cette fausse insouciance dont les studios hollywoodiens et tout particulièrement les comédies familiales rose bonbon (avec Doris Day et Rock Hudson pour les adultes, Annette Funicello et Frankie Avalon pour les adolescents) étaient chargés d’assurer la promotion sur le plan international dans une opération de propagande d’une ampleur considérable. C’est aussi ce que montre ce film qui élève les céréales du petit déjeuner au rang d’armes de dissuasion massive. Avec une fantaisie justifiée par la frénésie qui s’est emparée du monde libre à un moment clé de son histoire où le Soft Power déployait ses charmes redoutables avec l’objectif avoué de semer la zizanie parmi ses ennemis. C’est son message à peine subliminal.

Jean-Philippe Guerand






Hugh Grant

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la violence. En outre, c’était

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract