Film américain de Jeff Nichols (2023), avec Austin Butler, Jodie Comer, Tom Hardy, Michael Shannon, Mike Faist, Norman Reedus, Damon Herriman, Boyd Holbrook, Emory Cohen, Beau Knapp, Karl Glusman, Toby Wallace, Happy Anderson, Valerie Jane Parker, Tony Donno… 1h56. Sortie le 19 juin 2024.
Jodie Comer et Austin Butler
Les bikers ont succédé dans l’imaginaire américain aux cow-boys par leur goût pour les chevauchées fantastiques et les espaces infinis. Les années 50 ont eu Marlon Brando dans L’équipée sauvage (1953), la décennie suivante John Cassavetes dans Les anges de l’enfer (1967) et Peter Fonda dans Easy Rider (1969) de Dennis Hopper. Comme l’avait déjà fait Francis Ford Coppola dans Outsiders (1983) en adaptant un roman de Susan E. Hinton paru en 1967, Jeff Nichols évoque à son tour cette communauté dans The Bikeriders à partir d’un livre paru lui aussi en 1967 qui retrace sous forme de témoignages et de photos les quatre années que Danny Lyon a passées au sein du Chicago Outlaws Motorcycle Club, un clan de motards du Midwest dont il a rapporté l’évolution ultérieure dans une préface rajoutée en 2003. De retour au cinéma sept ans après Loving, son réalisateur utilise cette communauté de marginaux gagnée par la violence pour dresser un portrait saisissant de l’Amérique provinciale des sixties. À l’instar des amoureux de gros cubes qui constituent le gang des Vandals et deviennent peu à peu des voyous sans foi ni loi au contact de leurs jeunes recrues, dans une escalade suicidaire qui reflète la dérive de la société civile traumatisée par la guerre du Vietnam et l'éternelle lutte pour les droits civiques.
Tom Hardy et Austin Butler
Passé maître dans l’art subtil de la chronique, le réalisateur de Take Shelter signe ici un portrait de groupe gangréné par des éléments extérieurs et dépeint en quelque sorte la fin d’une forme de chevalerie en voie de dégénérescence et en perte de valeurs qui se venge de la société qui a cru bon de la marginaliser. Ces rebelles sans cause sombrent ainsi dans la délinquance et perdent à la fois leur panache et leur raison d’être. The Bikeriders chronique cette déchéance en choisissant pour interprètes des personnalités aussi charismatiques qu’Austin Butler, l’Elvis de Baz Luhrmann, Tom Hardy, Michael Shannon, l’acteur fétiche du réalisateur, et Norman Reedus. Un casting par essence très masculin qui offre tout de même un rôle magnifique à la comédienne britannique Jodie Comer dans le rôle de la groupie de ces messieurs. Avec ce film qui met un terme à un trop long silence, Nichols confirme qu’il est l’un des cinéastes américains les plus réguliers de sa génération et un chroniqueur attentif de son pays dont il n’a de cesse de pointer les dysfonctionnements et les contradictions en perpétuant un souffle romanesque dont le cinéma hollywoodien semble avoir perdu la recette au profit de produits préfabriqués et de franchises mécaniques qui semblent avoir épuisé son imagination.
Jean-Philippe Guerand
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