Film français de Milo Chiarini (2023), avec Milo Chiarini, Nicolas Morazzani, Sabrina Nouchi, Yanisse Mahmoudi, Andrea Dolente, Frédérique Drai, Frédéric Lerner, Éric Delcourt, Doumé Sahki, Piero Brichese, Boula Habouchi, Laurie Caruso, Louis Pluton, Sébastien Cahn… 2h. Sortie le 19 juin 2024.
Milo Chiarini
Il fut un temps, pas si lointain, où bon nombre de réalisateurs plaçaient leur premier film sous le signe du polar. Comme si ce genre balisé était propice à toutes les audaces, tout en assurant à leurs producteurs un impact commercial minimum. Cette tradition renaît aujourd’hui à l’occasion du premier long métrage écrit réalisé et interprété par Milo Chiarini. Un film noir dans la plus pure tradition où les gestes comptent davantage que la parole, mais où il arrive aux gros durs de succomber aux élans de leur cœur d’artichaut. Tel est le cas de Nico qui revient à la vraie vie après avoir purgé vingt ans de prison sans jamais trahir ses complices. Bien décidé à se ranger, il se trouve confronté à ses copains d’enfance devenu des caïds de la pègre marseillaise et à de jeunes ambitieux pour lesquels tous les coups semblent permis. Le film brasse des thématiques éprouvées en confrontant un homme pétri de valeurs à l’ancienne avec des électrons libres chez qui tous les coups sont permis, en l’absence de tout code d’honneur. Milo Chiarini ne cache pas ce qu’il doit à un cinéaste comme José Giovanni qui abordait volontiers dans ses films des bribes de son propre vécu d’ancien condamné à mort.
Sabrina Nouchi
Mon milieu décrypte un engrenage diabolique dont l’épicentre est un homme mûr qui s’efforce d’échapper au poids de son destin et de conjurer une fatalité que ses anciens complices et leurs bouillants cadets ne cessent de lui rappeler pour le faire replonger. Avec toutefois cette femme qui s’insinue dans son existence, brillamment incarnée par Sabrina Nouchi, et ne veut voir en lui que ce qu’il dégage de positif et auquel il ne croit plus lui-même. Une relecture de l’éternel combat entre Eros et Thanatos qui s’appuie aussi sur l’évolution des mœurs dans le milieu du grand banditisme à la merci d’une nouvelle génération de chiens fous prêts à tout pour prendre le pouvoir et goûter aux plaisirs d’une vie facile, même si elle risque d’être abrégée. Comme Olivier Marchal, auquel on est tenté de le comparer par sa peinture sans complaisance d’une violence endémique qui entend anéantir les autres sentiments, Milo Chiarini est un ancien policier rompu aux faits et gestes qu’il décrit. Par ailleurs, il choisit d’ajouter à ses casquettes de scénariste et de réalisateur celle d’interprète principal, sans s’inspirer pour autant de sa propre expérience. Sa finesse psychologique lui permet toutefois de se projeter dans ce personnage charismatique d’ancien taulard qui ne sort pas pour faire justice en se vengeant de ses ex-complices dont il a purgé les peines en sacrifiant ses plus belles années, mais dans l’espoir fou de rattraper le temps perdu en profitant des choses de la vie les plus prosaïques. Là, le polar adopte des élans de tragédie antique.
Jean-Philippe Guerand
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