Cuvari formule Film serbo-slovéno-macédonien de Dragan Bjelogrlic (2023), avec Dragan Bjelogrlic, Alexis Manenti, Radivoje Bukvic, Miki Manojlovic, Jérémie Laheurte, Jean-Louis Coulloc’h, Arnaud Humbert, Olivier Barthelemy, Alisa Radaković, Lionel Abelanski, Jurij Drevensek, Cédric Appietto, Jovan Jovanovic… 2h. Sortie le 5 juin 2024.
Alexis Manenti
L’histoire est encore loin d’avoir révélé tous ses mystères, ainsi que l’atteste le point de départ de ce film qui lève le voile sur un épisode paradoxal de la Guerre froide. Au cours de l’automne 1958, cinq scientifiques yougoslaves victimes de radiations sont accueillis dans le plus grand secret à l’Institut Curie de Paris pour y être soignés. Il apparaît très vite qu’ils ont été victimes d’un incident survenu au cours des travaux qu’ils menaient dans le plus grand secret sur la fabrication d’une arme nucléaire. Dès lors s’établissent des relations ambiguës entre ces patients en danger de mort et l’équipe médicale chargée de les sauver qui ne peut demeurer insensible aux causes de ces affections dont elle est obligée de briser la loi du silence pour être à même de traiter les conséquences en pleine connaissance de cause. C’est évidemment son sujet qui confère tout son intérêt à ce film mené comme un thriller à suspense. Dans un contexte politique qui frise la paranoïa aiguë sous le spectre de la guerre atomique, des chercheurs occupés à élaborer une arme de mort se trouvent confrontés à des médecins chargés quant à eux de les sauver, alors même que ces protagonistes se trouvent a priori dans des camps considérés comme irréconciliables, bien que la Yougoslavie non-alignée du maréchal Tito cherche alors à s’affranchir de l’hégémonie soviétique sur les pays de l’Est et entende assurer son autonomie nucléaire, sans en posséder véritablement tous les moyens.
Lionel Abelanski, Alexis Manenti et Radivoje Bukvic
L’habileté de ce film au titre un rien abscons consiste à balayer les clichés en montrant ce qui rapproche ses protagonistes plutôt que ce qui devrait les opposer. Les uns et les autres sont motivés par leur devoir scientifique et l’exécutent sans demander d’explications à ces patients en danger, même si les effets ne peuvent être soignés pertinemment que si l’on en connaît les causes précises. Le film a tendance à montrer les uns et les autres comme des hommes de bonne volonté qui vont finir par fraterniser sous le signe de la science. Vision sans doute idyllique qui pâtit de ne pas montrer les discussions au plus haut niveau hiérarchique des services secrets et du pouvoir politique qui ont préludé à l’accueil et au sauvetage de ces patients clandestins dans un contexte diplomatique hautement abrasif. C’est par ailleurs à l’occasion de cet événement que le docteur Georges Mathé s’est fait connaître en pratiquant avec succès les premières greffes de moëlle osseuse sur ces physiciens, une avancée scientifique ayant induit paradoxalement une autre avancée, médicale celle-ci. C’est la morale de ce film très classique où apparaît même un médecin débutant qui deviendra célèbre comme ministre éphémère de François Mitterrand : le professeur Léon Schwartzenberg. Le réalisateur serbe l’admet d’abord bien volontiers : au-delà des faits avérés, les relations humaines qu’il met en scène sont purement fictionnelles et sans doute un peu trop idylliques pour être conformes à la réalité. Mais mieux vaut prendre pour argent comptant cette confrontation entre femmes et hommes de bonne volonté unis pour faire avancer la science en taisant leurs préjugés.
Jean-Philippe Guerand
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