Film français de Thomas et Dimitri Lemoine (2024), avec Thomas Lemoine, Gaël Tavares, Pierre Lottin, Lionnel Astier, Melissa Izquierdo, Alain Bouzigues, Hichem Yacoubi, Meledeen Yacoubi, Benjamin Baffie, Lofti Abdelli, Étienne Alaga… 1h27. Sortie le 5 juin 2024.
Thomas Lemoine
Comme beaucoup de films, le générique de début de La gardav nous prévient d’entrée de jeu qu’il relate des faits authentiques. On a l’habitude. À cette nuance près qu’il s’agit ici d’un enchaînement de quiproquos plutôt malheureux, mais traités avec une franche euphorie, en dépit des circonstances : une garde à vue. Un acteur en quête de notoriété décroche un rôle dans le clip qu’un rappeur à la recherche d’un emploi à but lucratif croit bon de tourner sans autorisation dans une cité où trois flics sont supposés faire face à une bande de voyous. Jusqu’au moment où des observateurs se méprennent sur leurs intentions et où de véritables policiers débarquent pour mettre les menottes à ces suspects idéaux et les embarquent au poste. Circonstance aggravante, ils ont découvert une quantité considérable de sachets d’une poudre blanche suspecte dans le coffre de la voiture empruntée par l’un de ces pieds nickelés à son épouse. Face à ces circonstances accablantes, la situation ne fait que s’envenimer et le malentendu vire à la catastrophe en chaîne. Voici un premier film réalisé par deux frères qui tranche avec la production française habituelle par son refus des gags calibrés et des mots d’auteur complaisants. D’abord, parce que ses interprètes sont des nouveaux venus et que chacun d’eux est à sa juste place. Ensuite parce que le moindre de ces personnages possède une véritable épaisseur sociale et humaine. Enfin parce qu’apparaissent çà et là des visages plus connus dans des rôles parfois épisodiques, à l’instar de l’excellent Pierre Lottin en fonctionnaire de police désabusé et de Lionnel Astier en divisionnaire blasé.
Pierre Lottin, Melissa Izquierdo
Hichem Yacoubi et Thomas Lemoine
La gardav est une comédie savoureuse dont l’interprète principal est par ailleurs l’un des deux réalisateurs, Thomas Lemoine, irrésistible abruti dont la casquette à l’envers est déjà démodée. Mais ce n’est pas si évident que ça de tenir un tel rôle sans sombrer pour autant dans la caricature grossière. Son personnage est un brave type à la mode d’aujourd’hui qui vit son métier rêvé de comédien comme une scintillante utopie où le moindre geste est surligné et qui a une fâcheuse propension à en faire systématiquement un peu trop pour essayer de se faire remarquer, y compris dans la vraie vie et quand il devrait faire profil bas. Du coup, il ne saisit pas vraiment la nuance entre le personnage de flic qu’on lui demande d’incarner et les fonctionnaires de police auxquels il se trouve confronté. Le contraste est aussi saisissant que savoureux. Le film repose d’ailleurs sur ce décalage tragi-comique qui met en parallèle un quotidien désespérant de banalité avec des personnages usés par la routine qui rêveraient de sensations plus palpitantes et sautent sur la moindre occasion pour ajouter du piment à leur quotidien grisâtre. Reste que les frères Lemoine ont le sens de la dérision et règlent comme du papier à musique ce malentendu exponentiel. Pour paraphraser une comédie à succès qui défraie la chronique, cette tranche de vie modeste possède assurément un p’tit truc en plus qui fait toute la différence et donne une furieuse envie de voir ses auteurs à l’œuvre avec des moyens plus conséquents. En espérant qu’ils ne les condamnent pas au conformisme.
Jean-Philippe Guerand
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