Film belgo-français de Céline Rouzet (2023), avec Mathias Legoût Hammond, Céleste Brunnquell, Élodie Bouchez, Jean-Charles Clichet, Anne Benoît, Louis Peres, Angèle Metzger… 1h44. Sortie le 5 juin 2024.
Mathias Legoût Hammond
Le fantastique étant désormais une constituante non négligeable du cinéma français, notamment à travers des réalisatrices telles que Julia Ducournau (Grave) ou Coralie Fargeat (The Substance), Céline Rouzet choisit à son tour de s’illustrer sur ce registre et plus particulièrement dans ce sous-genre anglo-saxon et asiatique que constitue le film de vampires. Elle aborde toutefois ce mythe sous l’angle d’une malédiction au sein d’une famille traditionnelle dont le fils s’est manifesté dès sa venue au monde en mordant le sein de sa mère, au point d’en faire jaillir du sang plutôt que du lait. Soucieuse de protéger la chair de sa chair, la mère décide de s’installer avec les siens dans une banlieue pavillonnaire anonyme pour éloigner son fils de la tentation, là où il a besoin pour assurer sa survie de sang frais que sa mère infirmière lui fournit. Le quotidien suit ainsi son cours sans encombre. Au point que l’on en vient à se demander comment la réalisatrice -qui signe là son premier long métrage de fiction après le documentaire très remarqué 140 km à l’ouest du paradis (2020)- va réussir à se dépêtrer de son sujet sans verser dans les jets d’hémoglobine et le grand-guignol. Elle tient toutefois son pari (sans recourir aux effets spéciaux !) et aborde le vampirisme comme une sorte de maladie honteuse susceptible de déclencher des réactions irrationnelles, mais aussi une authentique prison sans barreaux qui proscrit l’amour en contraignant à l’isolement et à une certaine clandestinité.
Mathias Legoût Hammond et Céleste Brunnquell
En attendant la nuit se présente de prime abord comme une sorte de chronique de l’intolérance qui revêt les atours d’un drame psychologique. La première victime en est le présumé coupable longtemps protégé par les siens. La réalisatrice s’attarde à dessein sur cette cellule familiale fusionnelle qui se retrouve en proie à une véritable chasse aux sorcières, avec toute la symbolique qu’implique ce thème. Et puis aussi cette impossibilité tragique que constitue l’amour, sous peine de déclencher des conséquences irrationnelles voire de perpétuer une engeance maudite. La réussite du film repose sur cette approche délibérément réaliste sinon quotidienne qui traite un fléau légendaire comme une maladie potentiellement contagieuse et condamne celui qui en est atteint à se sacrifier afin de protéger les siens. À l’adolescence, le jeune vampire ressent lui aussi des pulsions charnelles au contact d’une voisine attirante. Il convient ici de louer la justesse du casting qui associe Élodie Bouchez et Jean-Charles Clichet dans les rôles des parents, mais aussi l’étonnant Mathias Legoût Hammond à une Céleste Brunnquell de plus en plus irrésistible. Ce film révélé dans la section Orrizonti de la Mostra de Venise développe évidemment un sous-texte très actuel sur le handicap et le poids de l’anormalité dans une société toujours moins encline à la tolérance et à la magnanimité.
Jean-Philippe Guerand
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