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“The Palace” de Roman Polanski



Film franco-italo-polono-suisse de Roman Polanski (2022), avec Fanny Ardant, John Cleese, Oliver Masucci, Mickey Rourke, Milan Peschel, Bronwyn James, Luca Barbareschi, Joaquin de Almeida, Fortunato Cerlino, Irina Katrinidis, Teco Celio, Olga Kent, Matthew T. Reynolds… 1h41. Sortie le 15 mai 2024.



Oliver Masucci



Dans un hôtel de luxe des Alpes suisses, le réveillon du 31 décembre 1999 se prépare parmi une faune de nantis dégénérés dans la hantise du fameux bug de l’an 2000, tandis que dans l’indifférence quasi-générale, le président russe Boris Eltsine profite de la confusion pour annoncer démissionner de ses fonctions et céder son poste au Premier ministre Vladimir Poutine. De ce point de départ prometteur, on était en droit d’attendre une comédie au vitriol de la part de Roman Polanski et de son vieux complice Jerzy Skolimowski (qui se retrouvent soixante ans après Le couteau dans l’eau) associés à Ewa Piaskowska (avec qui ce dernier a notamment écrit EO). C’est pourtant sur ce registre que le réalisateur du Bal des vampires a connu ses plus grosses déconvenues avec Pirates et surtout Quoi ? dont The Palace semble constituer le pendant à près d’un demi-siècle de distance. À 90 ans, devenu l’une des cibles de prédilection du mouvement #MeToo, mais bien décidé à mourir dans son lit sans avoir à répondre de ses fautes, Polanski ne semble avoir tourné ce film inutile que pour narguer ses détracteurs. Échec sur toute la ligne : tournage à proximité de son chalet suisse, présentation confidentielle hors compétition à la Mostra de Venise pour un accueil calamiteux et aujourd’hui sortie en catimini au moment même où le Festival de Cannes occupe tout l’espace médiatique consacré au cinéma. C’est décidément une tache honteuse pour le réalisateur le plus couronné aux César dont le propos est incompréhensible et le burlesque simplement pathétique.



Fortunato Cerlino, John Cleese et Oliver Masucci



Sans doute confronté au refus de bon nombre d’acteurs de premier plan, le réalisateur s’est rabattu sur des has been : un Mickey Rourke devenu difforme, le plus classe des Monty Python, John Cleese, qu’il fait sortir de sa retraite pour le transformer en vieillard cacochyme et libidineux victime de rigor mortis et même une Fanny Ardant au summum de l’embarras qui se console de la diarrhée de son chien avec un plombier. Une vulgarité ambiante où le caviar se déguste à la louche, mais d’où toute trace d’humanité semble bannie. Une entreprise inepte d’un budget pharaonique de dix-sept millions d’euros qui apparaît comme le combat de trop d’un lutteur sonné au point d’avoir perdu toute lucidité, alors même que sa garde rapprochée figure au générique, du compositeur Alexandre Desplat au monteur Hervé de Luze en passant par le chef opérateur Pawel Edelman. La vision de ce film pénible et poussif qui aligne les clichés les plus salaces donne l’impression de se trouver à bord du Titanic au moment du naufrage. Comme si Polanski, qui se croit même obligé d’évoquer complaisamment le pansement sur le nez de Jack Nicholson dans Chinatown, avait décidé de se suicider publiquement pour faire oublier le grand cinéaste qu’il a été, en mettant en scène un sinistre carnaval des pantins qui sonne le glas du deuxième millénaire et de sa carrière dans un ratage monumental. Mon Dieu, comment donc a-t-il pu tomber si bas ?

Jean-Philippe Guerand






Milan Peschel et Mickey Rourke

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