Kojot négy lelke Film d’animation hongrois d’Áron Gauder (2023), avec (voix) Lorne Cardinal, Danny Kramer, Diontae Black, Stephanie Novak, Priscilla Landham, David Mattle, Lily Rose Silver, Bill Farmer, Cle Bennett, John Bentley… 1h43. Sortie le 15 mai 2024.
Comme le documentaire, le cinéma d’animation est devenu au fil des progrès technologiques un champ d’expérimentation infini en abolissant les frontières dont le festival d’Annecy est devenu l’antichambre des merveilles. Bien malin qui pourrait déceler en Les 4 âmes du coyote l’œuvre d’un réalisateur hongrois. L’histoire se déroule en effet parmi une tribu indienne d’Amérique qui se bat pour défendre sa terre ancestrale menacée par l’implantation d’un oléoduc. Tandis que les activistes occupent leur réserve du Nord Dakota, le grand-père profite de la veillée pour raconter au reste de sa communauté l’histoire de la Création et les dommages perpétrés par l’homme contre la nature en toute impunité. Un discours écologique peuplé de symboles qui trouve évidemment un écho puissant dans notre époque. L’occasion pour un dessin animé destiné prioritairement au jeune public d’éveiller les consciences en respectant les conventions du conte philosophique. Le fait que ce film ait vu le jour en Europe de l’Est n’est pas fortuit. À l’époque du Rideau de Fer, les livres consacrés aux Indiens étaient très en vogue parmi les enfants qui disposaient d’une offre plutôt limitée. Né en 1973, le réalisateur Áron Gauder n'a donc eu qu’à laisser vagabonder son imagination pour concrétiser sa passion de jeunesse dans un contexte où les cow-boys avaient moins la cote que les autochtones, contrairement à la tradition perpétuée par bon nombre de westerns hollywoodiens.
D’emblée, Les 4 âmes du coyote prend le contrepied de la représentation décadente des Indiens dans le cinéma américain contemporain, qu’il s’agisse des Chansons que mes frères m'ont apprises (2015) de Chloé Zhao ou de War Pony (2022) de Riley Keough et Gina Gammell. Lauréat du Cristal du festival d’Annecy 2005 pour son premier long métrage, District !, Áron Gauder revient à la légende des siècles à travers l’un des personnages les plus emblématiques de la mythologie indienne : ce fameux coyote a priori plutôt antipathique dont les différentes personnalités représentent assez justement la diversité de cette nation malmenée par l’homme blanc et dépossédée de ses territoires ancestraux par des pionniers venus d’Europe. En contrepoint de ces légendes perpétuées par la tradition orale, le film raconte l’épopée de ce peuple sans dogmatisme, mais avec une poésie qui passe autant par l’élégance du graphisme que par le choix des couleurs, en l’inscrivant même au cœur de notre histoire commune, à travers la création du monde et l’évocation d’Adam et Ève. Ce film inspiré d’événements authentiques survenus dans la réserve de Standing Rock en 2016 réussit à mêler les composantes artistiques du spectacle à un message puissant sur la nécessité pour un pays de respecter ses racines et pour l’humanité de veiller sur l’intégrité d’une planète déjà ô combien malmenée en vertu de considérations industrielles indécentes. Ne serait-ce que pour se protéger d’une extinction annoncée. C’est aussi la vertu de cet album élégant à savourer comme un livre d’images pétri d’humanisme qui démontre l’universalité du dessin.
Jean-Philippe Guerand
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