Kingdom of the Planet of the Apes Film américain de Wes Ball (2024), avec Owen Teague, Freya Allen, Peter Macon, Lydia Peckham, Travis Jeffery, Kevin Durand, Neil Sandilands, William H. Macy, Eka Darville, Sara Wiseman, Ras-Samuel Welda’abzgi, Dichen Lachman… 2h25. Sortie le 8 mai 2024.
Owen Teague et Freya Allen
Pierre Boulle figure parmi les rares auteurs de science-fiction français à avoir marqué profondément le cinéma. D’abord en inspirant sa première super-production à David Lean Le pont de la rivière Kwaï (1957), ensuite dans l’euphorie post-soixante-huitarde avec un premier quintette d’adaptations de La planète des singes (1963). Aujourd’hui avec une série de blockbusters qui ne constituent qu’une mise à niveau dopée par les ressources des nouvelles technologies. Ne pas en déduire pour autant qu’il suffit de lire le texte pour en transmettre la puissance d’évocation à l’écran. Le grand Tim Burton lui-même y a montré ses limites en passant totalement à côté de son sujet. Le cycle actuel a débuté en 2011 avec La planète des singes : Les origines et s’est poursuivi avec La planète des singes : L’affrontement (2014), La planète des singes : Suprématie (2017) et aujourd’hui La planète des singes : Le nouveau royaume, avec un succès de nature à poursuivre l’aventure. Ce nouvel opus coche toutes les cases : le point de vue est celui des singes dont le roi bonobo César a cédé aux mauvaises habitudes des humains en exerçant un pouvoir autoritaire et absolu, sous peine de fédérer les diverses tribus. Quelques individus épris de liberté continuent quant à eux à vivre en conformité avec leurs principes et ont scellé une étrange complicité avec des oiseaux de proie. Alors quand débarque une jeune femme a priori solitaire, ils vont voir en elle leur guide providentielle et l’aider à remplir sa mission secrète…
Kevin Durand
Wes Ball signe un film passablement déséquilibré qui s’enlise dans les scènes d’exposition en montrant les rapports compliqués des diverses espèces de singes, sans toujours respecter leurs différences d’échelle, ses gorilles n’étant au fond pas beaucoup plus impressionnants que leurs coreligionnaires babouins et orangs-outans, sans doute parce que l’archétype cinématographique du genre reste King Kong pour l’éternité. Anthropomorphisme aidant, le film s’anime avec l’arrivée de la mystérieuse humaine que campe Freya Allan, avec ce message subliminal dans l’air du temps selon lequel la femme est bel et bien l’avenir de l’homme. Le message a le mérite d’être clair, mais le défaut d’être un peu court. Ironie du sort, alors que l’hégémonie des primates a condamné les humains à la décadence et bien que les vestiges de leur grandeur passée aient été submergés symboliquement par la végétation, l’élite survit sous terre en attendant de pouvoir reprendre contact avec l’extérieur au moyen de ses gigantesques paraboles décharnées. Quand le film s’achève, en 2328, on a le sentiment que le règne des singes victime de ses divisions intestines pourrait bien avoir connu son âge d’or et qu’un autre avenir semble possible, si l’unité n’est plus qu’un leurre. Une considération politique que n’aurait pas nécessairement validé Pierre Boulle, sans doute plus confiant dans sa propre utopie que dans ses développements hollywoodiens adaptés à leur époque donc désabusés. Peut-être faut-il aussi y voir l'un des signes avant-coureurs de la panne d’inspiration qui frappe Hollywood et que corrobore la récente désaffection du public pour les super-héros Marvel et consorts. Des indices qui, associés à la montée en puissance simultanée de l'intelligence artificielle et de la réalité virtuelle, pourraient aboutir à la crise traversée à la fin des années 60 par les studios dont est issu le Nouvel Hollywood. Côté poésie, on est tout de même largement en droit de préférer à La planète des singes : Le nouveau royaume Le règne animal de Thomas Cailley qui nous proposait, lui, une véritable invitation au rêve.
Jean-Philippe Guerand
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