Film français de Léo Fontaine (2023), avec Manon Bresch, Matthieu Lucci, Dimitri Decaux, Yves-Batek Mendy, Clémence Boisnard, Inas Chanti, Victor Bonnel, Johan Heldenbergh… 1h10. Sortie le 8 mai 2024.
Matthieu Lucci et Inas Chanti
Le temps d’une journée dans une maison de campagne, des anciens camarades de lycée se retrouvent pour constater que ce qui les divise est sans doute devenu plus important que ce qui les rapprochait. Un sujet souvent exploité qui présente l’avantage dramaturgique de se limiter à un nombre réduit de protagonistes et de pouvoir exploiter un cadre unique, le plus souvent ici à ciel ouvert. Un pur exercice de style dont Léo Fontaine se tire à son avantage en s’en tenant rigoureusement à ce dispositif qui a souvent démontré son efficacité et sert ici un genre à part entière du paysage cinématographique contemporain : le film d’apprentissage que les Anglo-Saxons qualifient aussi de “Coming of Age”. Par son sujet et l’importance qu’il accorde à sa composante psychologique, Jeunesse, mon amour évoque ces réunions d’anciens élèves où les amis pour la vie d’hier se sont parfois transformés en de parfaits inconnus et ne peuvent que constater qu’ils n’ont plus vraiment grand-chose de concret à partager. Un sujet dont le subtil équilibre repose autant sur un dosage délicat entre la nostalgie et le réalisme que sur l’épaisseur individuelle des différents personnages incités à se lancer dans des conversations parfois à haut risque en retournant les merguez sur le barbecue. Le scénario respecte ce processus, en glissant peu à peu des considérations les plus anodines aux sujets qui fâchent et aux non-dits trop longtemps retenus. La mise en scène de Fontaine excelle à guetter les réactions subreptices et les moindres gestes qui trahissent une montée progressive de la tension jusqu’à l’embrasement. Le constat a beau être amer, il tire sa justesse d’un casting impeccable où chacun se révèle peu à peu pour ce qu’il est devenu.
Manon Bresch et Yves-Batek Mendy
Cette trame classique sinon éculée est vivifiée ici par des personnages qui se répartissent en trois catégories : ceux qui n’ont pas changé, ceux qui se sont améliorés et ceux qui se sont laissé aller à leurs penchants les plus inavouables. Les premiers constituent les fondations du groupe dont les autres menacent l’équilibre précaire. Le cœur de cette histoire est symbolisé par trois personnages : une fille qu’a aimé un garçon et qui vit désormais avec un autre. Rien que de plus banal, sinon que cette simple relation et les non-dits qui vont de pair contribuent pour une bonne part à plomber ces retrouvailles en déclenchant une variante du fameux jeu de la vérité qui consiste pour chacun des participants à se libérer de ce qu’il a sur le cœur. Au risque d’impliquer les autres. Deux composantes contribuent à la réussite de ce film en phase avec son objectif : ses dialogues qui vont droit à l’essentiel et ses interprètes qui défendent leurs personnages avec conviction. On peut parier que certains d’entre eux deviendront célèbres. Léo Fontaine excelle dans son casting comme dans sa direction d’acteurs, sans jamais se gargariser de mots d’auteur. Il coche toutes les cases d’un premier long métrage et marque habilement son territoire. Ce portrait de groupe pétri d’illusions perdues et de grandes espérances a le mérite de réaliser un arrêt sur images convaincant de cette génération qui a particulièrement mal vécu la pandémie de Covid-19 et en a émergé avec une rage de vivre encore plus forte dont ce film propose un reflet saisissant.
Jean-Philippe Guerand
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