Film mexicain de David Zonana (2023), avec Santiago Sandoval Carbajal, Mónica del Carmen, Fernando Cuautle, Esteban Caicedo, Isabel Yudice, Roberto Ramos, Alejandrina Osorio, Ivan Flores, German Carrizales, Carlos Gerardo Garcia Silva, Salvador Rico, Ricardo Tadeo, Ari Axel Hernandez, David Deleo… 1h28. Sortie le 22 mai 2024.
Santiago Sandoval Carbajal
Grandeur et décadence d’une académie militaire installée dans un cadre monumental dont les jeunes recrues sont maltraitées et même humiliées par leur hiérarchie avec un sadisme à toute épreuve. Heroico a suscité une polémique très importante au Mexique, même si la tradition de la Grande Muette est de ne jamais s’exprimer. Pas étonnant qu’on retrouve parmi ses producteurs le réalisateur Michel Franco qui a toujours aimé jongler avec les braises et dont vient de sortir le dernier opus en date, Memory. Le premier long métrage de David Zonana revendique son appartenance à un véritable sous-genre cinématographique qui regroupe des films aussi divers que La colline des hommes perdus (1965) de Sidney Lumet, La marche triomphale (1976) de Marco Bellocchio, Allons z’enfants (1981) d’Yves Boisset ou Full Metal Jacket (1987) de Stanley Kubrick. Des œuvres polémiques qui remettent en cause les méthodes utilisés par l’armée pour fabriquer de bons petits soldats dans un silence assourdissant dont la loi est brisée çà et là par des œuvres de fiction qui mettent des images et des sons sur une réalité à laquelle le documentaire n’a accès que de façon exceptionnelle et le plus souvent parcellaire. Il s’agit même sans doute là d’un des derniers sanctuaires tabous dont les caméras et les micros sont exclus. Se souvenir aussi du film Pour la France (2022) de Rachid Hami dans lequel Karim Leklou se battait pour connaître les circonstances de la mort de son frère dans une académie militaire. À cette nuance près, et elle est d’importance, que cette école est aussi la reproduction en miniature d’une société mexicaine rongée par l’ultra-violence et incapable d’y répondre autrement que par une escalade suicidaire.
Raconté du point de vue d’un jeune homme issu d’une tribu indigène pour qui l’hypothèse d’une carrière militaire constitue avant tout une opportunité de promotion sociale, Heroico décrit une véritable fabrique du sadisme qui transforme des jeunes gens pour certains idéalistes en machines désincarnées et nourries d’un virilisme plus que douteux qui passe par un rejet de l’homosexualité (et de tout ce qui contrevient aux normes en vigueur), mais aussi par une méfiance à l’égard de ceux qui consacrent trop de temps à réfléchir et évidemment les plus fragiles. Un discours radical qui a soulevé un véritable tollé au Mexique où l’on ne plaisante pas avec une institution telle que l’armée, quelles que puissent être ses dérives éventuelles. Ce qui se passe à l’académie Heroico ne doit surtout pas en sortir. Un point c’est tout. Le film exploite jusqu’à l’extrême son cadre monumental qu’on pourrait qualifier d’architecture mussolinienne à ciel ouvert et l’ordre littéralement géométrique qui régit autant ses chambrées spartiates que ses salles communes. Comme de bien entendu, certaines consignes sont absurdes et l’application de la routine vise à déposséder de leur libre-arbitre ces cadets contraints d’exécuter des ordres parfois ineptes pour donner des gages de leur soumission aveugle. David Zonana s’attache à un rituel dont l’objectif ultime consiste à neutraliser toute velléité de rébellion chez ces cobayes en mettant à l’épreuve leur capacité véritable à obéir en toutes circonstances pour devenir de bons petits soldats. Ce film a l’efficacité d’une séance d’électrochocs par son absence de complaisance.
Jean-Philippe Guerand
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