Binilhauseu Film sud-coréen de Lee Sol-hui (2022), avec Kim Seo-hyeong, Yang Jae-sung, Ahn So-yo, Shin Yeon-sook… 1h40. Sortie le 29 mai 2024.
Kim Seo-hyeong et Ahn So-yo
Aide-soignante auprès d’un couple de personnes âgées dont le mari est aveugle, Moon-jung se trouve confrontée à un événement qui va la contraindre à prendre une décision aux conséquences hautement imprévisibles pour ne pas tout perdre. Couronné de trois prix au prestigieux festival de Busan, Greenhouse est le premier long métrage de la réalisatrice sud-coréenne Lee Sol-hui qui témoigne là d’une audace scénaristique peu commune. À partir d’un fait de société d’une actualité brûlante (la prise en charge des seniors dans une société déchirée entre son respect pour les anciens et des infrastructures insuffisantes), elle signe un film à suspense qui va crescendo au bout de son propos, quitte à s’aventurer sur un registre plutôt inattendu. Avec en son cœur un personnage de mère célibataire d’une rare perversité que sa détresse personnelle va conduire à commettre l’irréparable et à se retrouver elle-même piégée par le subterfuge diabolique qu’elle a imaginé. Cette mécanique de précision s’avère en outre indissociable de son personnage principal qu’incarne Kim Seo-hyeong au fil d’une prestation à haut risque où elle réussit la prouesse de passer du dévouement à la perversité absolue dans un emploi à facettes que le désespoir fait peu à peu dériver vers la folie. Difficile d’en révéler plus sur l’intrigue de ce film qui joue en permanence sur les ruptures de ton, tout en jonglant avec des stéréotypes comme le grand âge, la cécité ou la solitude.
Kim Seo-hyeong
Greenhouse fait partie de ces films qui débutent sur le ton de la chronique sociale et passent ensuite par toute une série de registres. Comme si son contexte lui-même agissait sur ses protagonistes au point de les faire changer dans leur nature comme dans leurs comportements. Aussi galvaudées puissent-être ces expressions stéréotypées, il y a vraiment quelque chose d’une femme fatale et plus précisément d’une héroïne hitchcockienne asiatique chez cette employée dévouée que sa détresse va conduire à imaginer un plan machiavélique pour sauver sa peau. Lee Sol-hui joue en outre sur la représentation de la cécité au cinéma et sur son potentiel scénaristique, même si les puristes trouveront sans doute à redire à certains développements de son intrigue. À commencer par la sollicitation accrue des autres sens traditionnellement associée aux non-voyants qu’ont exploité avec habileté des thrillers tels que Seule dans la nuit (1967) de Terence Young ou Terreur aveugle (1971) de Richard Fleischer où Audrey Hepburn et Mia Farrow se défendaient dans un contexte à haute tension. Et même si ce premier film en provenance d’une Corée du Sud rompue aux conventions du cinéma de genre peut parfois sembler un peu sophistiqué dans sa construction et nous contraint à adopter le point de vue d’un personnage profondément amoral, c’est le prix à payer pour savourer sa belle mécanique et plonger dans sa folie qui ne fait qu’aller crescendo. Jusqu’à atteindre un point de non-retour qui atteste de sa radicalité affranchie de toute complaisance, en assumant d’opter pour le Mal plutôt que pour le Bien et sans vraiment chercher à sauver artificiellement son personnage principal féminin. Inutile de préciser qu’on guettera avec une attention particulière le deuxième opus de cette réalisatrice tout juste trentenaire qui révèle à travers cet exercice de style à haute tension une personnalité hors du commun. Reste pour elle à trouver les sujets ad’hoc.
Jean-Philippe Guerand
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