Film franco-belge d’Antoine Raimbault (2023), avec Bouli Lanners, Thomas VDB, Céleste Brunnquell, Lisa Loven Kongsli, Lisa Karlström, Maurizio Marchetti, Christian Clauss, Wim Willaert, Joaquim de Almeida, Vincenzo Amato, Bernard Blancan, Nicolas Vaude, Béatrice de Staël, Arnmundur Ernst Björnsson, Didi Cederström, Maria de Medeiros, Cécile de Moor… 1h35. Sortie le 1er mai 2024.
Thomas VDB, Bouli Lanners et Céleste Brunnquell
On a perdu l’habitude des films qui dénoncent des scandales en prenant les spectateurs à témoin de pratiques frauduleuses. Ce rôle semble désormais dévolu aux séries comme “D’argent et de sang” de Xavier Giannoli qui se donnent le temps d’enquêter en profondeur. Il faut dire aussi qu’Internet et les réseaux sociaux ont accéléré considérablement la circulation de l’information et sa mondialisation quasi instantanée. Il semble loin le temps où Costa Gavras et Yves Boisset signaient des dénonciations virulentes sur grand écran et où la télévision préférait s’abstenir d’aborder les sujets qui fâchent, sous couvert de satisfaire à son appellation de Service Public. Avec Une affaire de principe, c’est dans le sillage des pionniers que s’inscrit Antoine Raimbault. Il adapte en l’occurrence un livre écrit par le député écologiste européen José Bové en collaboration avec Gilles Luneau, “Hold-up à Bruxelles, les lobbies au cœur de l’Europe” (La Découverte, 2015), qui relate un complot ourdi par l’industrie du tabac pour défendre ses intérêts en déstabilisant les institutions européennes. Un sujet qui n’est pas sans rappeler celui de Révélations (1999) de Michael Mann qui s’inspirait lui aussi de faits rigoureusement authentiques, en mettant en scène le combat héroïque d’un lanceur d’alerte contre le cigarettier tout puissant Philip Morris. Une affaire de principe affiche évidemment une ambition plus modeste, même si Bouli Lanners n’a pas à rougir de la comparaison avec Russell Crowe, patelin à souhait dans le rôle de Bové en fier Gaulois dénonçant l’omerta que fait régner le président de la Commission européenne José Manuel Barroso pour faire payer un lampiste.
Bouli Lanners et Thomas VDB
Après un film de procès plutôt efficace, Une intime conviction (2018), Antoine Raimbault s’essaie cette fois à une autre figure imposée : l’enquête. Épaulé au scénario par Marc Syrigas, qui s’était fait remarquer naguère en écrivant le téléfilm “L’affaire Gordji, histoire d'une cohabitation”, il réussit à rendre parfaitement intelligible une intrigue plutôt filandreuse en humanisant ses protagonistes pour les transformer en véritables héros de cinéma que campent à merveille l’humoriste Thomas VDB dans un contre-emploi radical et la décidément surdouée Céleste Brunnquell qui élargit sa palette en stagiaire fine mouche. L’une des grandes qualités du film est de dépeindre l’épicentre des institutions européennes comme une véritable citadelle assiégée par des hordes de lobbyistes et régie par des codes nébuleux à souhait, sans nous accabler de considérations trop complexes. C’est de la vulgarisation, dans le meilleur sens du terme. Dès lors, la croisade de ces chevaliers blancs qui affichent une décontraction de Pieds Nickelés pour faire triompher la raison et le bon sens, devient une œuvre de salubrité publique. Un combat d’autant plus inégal que l’accès même aux dirigeants de la Communauté européenne est une gageure, y compris pour des élus qui doivent ruser pour accéder au sommet de la hiérarchie. Une affaire de principe décrit un cénacle hermétique et littéralement coupé du monde où le seul moyen d’exfiltrer des documents est de… les jeter par la fenêtre de ce bateau ivre en déjouant la vigilance du service d’ordre. Tel est le principal enseignement de ce film à voir avant de glisser son bulletin dans l’urne des élections européennes, ne serait-ce qu’en raison de l’affaire de corruption qui défraie aujourd’hui l’actualité et n’émane plus d’industriels mais de la Russie de Vladimir Poutine. La réalité accrédite la fiction.
Jean-Philippe Guerand
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