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“Quelques jours pas plus” de Julie Navarro


 

Film français de Julie Navarro (2024), avec Benjamin Biolay, Camille Cottin, Amrullah Safi, Makita Samba, Saadia Bentaïeb, Loula Bartilla Besse, Olivier Charasson, Andranic Manet, Hippolyte Girardot, Alicia Bader… 1h43. Sortie le 3 avril 2024.



Benjamin Biolay


Parmi les thématiques dans l’air du temps, les migrants figurent dans le peloton de tête, le cinéma s’intéressant autant au parcours du combattant qui les mène de leur pays natal à celui de leurs rêves qu’à leur difficile intégration. Avec à toutes les étapes des hommes de bonne volonté et d’autres nettement moins accueillants. Des composantes immuables qui nourrissent l’imagination des romanciers et des scénaristes, tout en inspirant les journalistes et les documentaristes. En décembre dernier, dans Ma France à moi de Benoît Cohen, Fanny Ardant incarnait une veuve de Saint-Germain-des-Prés qui hébergeait à son domicile un réfugié afghan désireux d’intégrer Sciences-Po. Une sorte de conte de Noël qui brandissait son authenticité pour faire taire les fâcheux sous prétexte que le film était l’adaptation du livre “Mohammad, ma mère et moi” (Flammarion 2018), lui-même inspiré de faits authentiques. La mention “Ceci est une histoire vraie” est aujourd’hui une sorte d’étendard attestant de la sincérité de l’entreprise quelles que soient les libertés prises par ailleurs. Une sorte de remède à l’invraisemblance éventuelle de certaines situations. Dans Quelques jours pas plus de Julie Navarro, c’est au tour d’un critique musical en disgrâce d’accepter d’héberger un jeune cuisinier afghan pour complaire à la responsable d’une association qui ne lui est pas indifférente. Une cohabitation baroque qui va se transformer petit à petit en une amitié sincère entre ces deux hommes que tout séparait a priori.

 



Benjamin Biolay et Camille Cottin


Transfuge du casting, Julie Navarro tire à profit de ce talent pour confier à Benjamin Biolay un rôle où il excelle par sa nonchalance et compose un personnage particulièrement crédible : celui d’un type impulsif et blasé devenu critique rock pour prolonger sa passion et que son retour forcé au réel va contraindre à prendre des responsabilités qu’il avait cru bon d’évacuer depuis des lustres afin de profiter de sa rente de situation en restant insensible à toute la misère du monde. À l’image de ces vinyles qu’il conserve come des reliques, il n’a pas vraiment vu le monde changer autour de lui. Alors quand son rédacteur en chef l’affecte aux informations générales pour avoir saccagé sa chambre d’hôtel sur un caprice, le choc du réel le renvoie à sa propre condition de père divorcé revenu de tout qui se contente de gérer sa rente de situation comme un vieil adolescent sans se poser davantage de questions. Jusqu’à son implication en faveur des migrants qui n’est en fait motivée que par un coup de foudre pour une responsable d’association (Camille Cottin dans un rôle trop peu fouillé). Le personnage peut paraître invraisemblable voire franchement antipathique, mais son incarnation fait toute la différence, Biolay évitant la caricature pour humaniser son personnage de bobo parisien coupé des réalités, en s’en remettant à ses réactions épidermiques et à un instinct de survie qui le préserve du pathétique. Mis en scène sans l’empathie que lui témoigne Julie Navarro, il aurait pu aisément verser dans une antipathie épidermique, tant il arbore de signes extérieurs du BoBo parisien égoïste. Ses relations avec son hôte sont toutefois traitées avec suffisamment d’humanité pour que l’acteur puisse s’emparer de son rôle et le rendre attachant par ses défauts et son inconscience assumée. Un Feel Good Movie réussi au service d’une cause juste et universelle.

Jean-Philippe Guerand






Benjamin Biolay, Andranic Manet et Amrullah Safi

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