Kiddo Film néerlandais de Zara Dwinger (2023), avec Frieda Barnhard, Rosa van Leeuwen, Aisa Winter, Lola van Zoggel, Fien Lindenhovius, Indy-Rose Kroonen, Maksymilian Rudnicki, Djayklin Lima… 1h31. Sortie le 17 avril 2024.
Rosa van Leeuwen et Frieda Barnhard
Une adolescente élevée dans un foyer d’accueil voit débarquer une femme extravagante qui affirme être sa mère. Débute alors un véritable périple initiatique vers la terre de leurs origines : la Pologne. D’une chronique d’apprentissage qui épouse les conventions éprouvées du Road Trip, la réalisatrice néerlandaise trentenaire Zara Dwinger tire un premier film qui ne cesse de surprendre en soufflant en quelque sorte le chaud et le froid. Pour paraphraser une formule célèbre de Simone de Beauvoir, ce voyage à deux démontre qu’on ne naît pas femme, mais qu’on le devient, en prenant conscience de la perpétuation de certains automatismes. Le film repose évidemment pour une bonne part sur l’alchimie qui s’établit entre ses interprètes féminines à travers la confrontation de deux générations où les rôles donnent parfois l’impression de s’être inversés. Issue de l’ère post-soixante-huitarde, la mère séduit à la fois par son insouciance et son anticonformisme face à cette fille élevée par d’autres qui semble parfois plus mûre, tant elle est porteuse des interrogations et des angoisses inhérentes à notre époque. Il émane dès lors de leur confrontation une vérité empreinte de tendresse où la gamine admire la liberté qu’incarne sa mère, et qui l’a incitée à renoncer à son éducation, et où l’adulte s’impose par un refus presque puéril des conventions et des normes établies qui reflète en fait de sa part autant de détresse intime que d’inadaptation fondamentale aux contraintes de la société.
Rosa van Leeuwen
Zara Dwinger et sa coscénariste Nena van Driel ont choisi à dessein de raconter cette histoire du point de vue de l’adolescente qui voit subitement débarquer dans sa vie la personne sur laquelle elle a le plus fantasmée : cette mère qu’on lui avait présentée comme une cascadeuse hollywoodienne et qui revendique son excentricité comme une seconde nature. Avec en filigrane cette quête mémorielle qu’accomplit Karina (Frieda Barnhard) en compagnie de sa fille Lu surnommée Kiddo (Rosa van Leeuwen) et du serpent minute qui lui tient lieu d’animal de compagnie, afin de lui montrer le milieu sordide auquel elle a échappé et contre lequel elle s’est construite, quitte à adopter la stratégie de la terre brûlée. Il émane de cette comédie de caractères, souvent drôle et parfois émouvante sinon tragique, une vérité humaine qui rejoint dans notre imaginaire cinématographique ces matrices que constituent Bonnie and Clyde (1967) d’Arthur Penn et Thelma & Louise (1991) de Ridley Scott, avec en prime la composante de transmission qu’implique cette complicité mère-fille dépourvue de passé autant que de passif. La mise en scène brouille ainsi les pistes en américanisant les signes extérieurs de ce voyage-surprise : Chevrolet bleue, motels, stations-service, paysages désolés, champ de maïs, parc d’attraction préhistorique et bottes de cow-boy renvoient autant aux Road Movies chers à Wim Wenders qu’à ses illustres modèles hollywoodiens. Avec en guise de leitmotiv musical ce morceau que joue inlassablement le lecteur CD bloqué. Dépaysement garanti.
Jean-Philippe Guerand
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