LaRoy, Texas Film américain de Shane Atkinson (2022), avec John Magaro, Steve Zahn, Dylan Baker, Galadriel Stineman, Matthew del Negro, Brad Leland, Bob Clendenin, Megan Stevenson, Emily Pendergast, Rio Alexander, Mimi Fletcher, Brooks Hall, Darcy Shean, Vic Browder, Alex Knight, Alen Kolenovic, Chris Highlands, Brannon Cross… 1h52. Sortie le 17 avril 2024.
John Magaro et Steve Zahn
LaRoy, Texas, c’est Ploucville. Un trou paumé où il ne se passe jamais rien, mais comme les affectionnent certains auteurs bourrés d’imagination qui y perçoivent des ressources dramaturgiques insoupçonnées. Alors quand débarque un tueur à gages à l’air triste, le patelin est en émoi. Parce qu’il a un contrat à exécuter et qu’il a bien l’air déterminé. De ce point de départ saugrenu mais propice à tous les délires, Shane Atkinson tire une comédie pince-sans-rire qu’on peut aussi regarder comme le tableau de mœurs au vitriol d’une Amérique profonde en miniature où le magnat local arbore un chapeau de cow-boy attardé. Le scénario tricote des relations saugrenues entre des personnages pittoresques peu enclins à s’interroger sur le sens de leur vie. Alors, quand c’est la mort qui survient, ils ne semblent guère plus inspirés, sinon parfois à essayer de sauver leur peau. Surtout quand rôde dans les parages un type à la mine triste investi d’une mission qui n’a cure des états d’âme et des pleurnicheries. Sur un script nébuleux comme un roman de la Série Noire où pullulent les personnages secondaires, Laroy distille sa petite musique sur un registre narquois qui évoque l’humour à froid des frères Coen dans Sang pour sang ou Fargo, la neige en moins, avec l’absurde en leitmotiv. Une telle partition exige des interprètes à la hauteur et ils sont bel et bien là, à l’instar des amis campés par John Magano et Steve Zahn, deux cadors du cinéma d’auteur indépendant américain, et de ce tueur aux yeux cernés qu’incarne Dylan Baker, le pédophile inoubliable d’Happiness (1998) de Todd Solondz.
Dylan Baker
Derrière la comédie policière, affleure l’état des lieux saisissant d’une terre immuable peuplée de personnages fantasques et assez peu épanouis qui s’avère irrésistible. Une impression entérinée par la razzia qu’a effectué LaRoy au dernier festival du cinéma américain de Deauville, en raflant le grand prix, le prix de la critique et celui du public. Une moisson qui rend justice au caractère universel de ce film qui réussit à séduire une vaste audience tout en disant des choses importantes. Ironie du sort, ce petit joyau du cinéma indépendant a été initié par deux producteurs français Sébastien Aubert et Jérémie Guiraud qui ont repéré le premier court métrage de Shane Atkinson, Penny Dreadful, prix du public à Clermont-Ferrand en 2013, puis ont initié le suivant, L’Ambassador (2017) avant de l’accompagner jusqu’au long. Une collaboration fructueuse qui aboutit aujourd’hui à un film dépourvu de compromissions mais enrichi d’un métissage artistique dont l’un des éléments les plus remarquables est la bande originale inventive composée par Delphine Malaussena, Rim Laurens et Clément Peiffer. Il émane décidément de LaRoy une singularité hors du commun qui se traduit pour le spectateur par un renouvellement d’un des genres les plus emblématiques du cinéma américain et un souci constant d’éviter la tentation de la complaisance à l’usage exclusif des cinéphiles purs et durs.
Jean-Philippe Guerand
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