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“Frères” d’Olivier Casas



Film français d’Olivier Casas (2024), avec Yvan Attal, Mathieu Kassovitz, Victor Escoudé-Oury, Enzo Bonnet, Viggo Ferreira-Redier, Fernand Texier, Alma Jodorowsky… 1h46. Sortie le 24 avril 2024.



Enzo Bonnet et Victor Escoudé-Oury



La réalité dépasse bien souvent la fiction. C’est même ce qui explique que le cinéma y puise une proportion non négligeable de son inspiration. On ne compte plus les films qui annoncent dès le générique de début : « Ceci est une histoire vraie. » Une licence poétique qui permet ensuite les développements les plus fantaisistes, sans que le spectateur puisse savoir où s’arrête la réalité et où commencent les élucubrations scénaristiques. L’histoire de Frères n’a de valeur que parce qu’elle est authentique et est demeurée longtemps cachée. C’est celle de Michel et Patrice de Robert, deux garçons confiés par leur aventurière de mère en 1948 à un pensionnat dont ils s’échappent à la suite d’une tragique méprise afin de se réfugier dans une forêt qui va leur fournir tout ce dont ils ont besoin. Ils vont réussir à survivre dans cet environnement moins hostile que prévu pendant sept ans grâce à leur débrouillardise et à leur complicité, sans que quiconque ne se soucie de leur disparition ni ne cherche à leur venir en aide ni même ne s’étonne de leur simple présence. Des années plus tard, intégrés l’un comme l’autre au sein de la société qui ignore tout de leur passé rocambolesque, l’architecte de renom et le directeur d’hôpital hantés par leur enfance buissonnière vont répondre une dernière fois à l’appel de la nature et retrouver leurs automatismes d’enfants sauvages contraints d’apprendre à survivre en milieu hostile. Une histoire incroyable mais vraie qui inspire aujourd’hui au réalisateur de Baby Phone (2017) un film romanesque à souhait. Et pour cause !



Mathieu Kassovitz et Yvan Attal



Frères est une célébration de la résilience à travers la complicité de deux adultes liés par les épreuves qu’ils ont traversées au cours de leur enfance, faute d’avoir été désirés. Le film les montre ainsi à deux stades distincts de l’enfance, endurcis par la vie au grand air qui les a dotés d’une force de caractère peu commune. Ce ne sont pas pour autant de véritables enfants sauvages, leur retour à la nature ne constituant qu’une parenthèse de leur existence entre deux périodes d’immersion au cœur de la civilisation, d’abord dans un pensionnat huppé où on leur enseigne les bonnes manières, ensuite comme des adultes accomplis sur le plan professionnel et parfaitement réintégrés dans leur milieu favorisé d’origine. Une histoire édifiante qui doit beaucoup aux trois interprètes de chacun de ces deux personnages, Victor Escoudé-Oury, Viggo Ferreira-Redier et Yvan Attal pour Michel le cadet, Enzo Bonnet, Fernand Texier et Mathieu Kassovitz pour Patrice l’aîné, et par extension à la direction d’acteurs d’Olivier Casas. Il émane de ce film édifiant une exaltation de la nature qui trouve un écho évident dans notre époque et montre à quel point ce retour à la vie sauvage a sans doute constitué la période la plus heureuse de ces deux frères dépourvus de rancœur et d’aigreur que la fatalité a contraint à apprendre l’autonomie et à renouer avec des valeurs élémentaires. Quitte à se retrouver un jour happés malgré eux par cette expérience hors du commun qui leur a inculqué une sagesse hors du commun.

Jean-Philippe Guerand




Fernand Texier et Viggo Ferreira-Redier

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