La llegada Film espagnol de Juan Sebastián Vásquez et Alejandro Rojas (2022), avec Alberto Ammann, Bruna Cusi, Ben Temple, Laura Gómez, Laura Bernis, Nuris Blu, Darryl James Clark, David Comrie, Alicia Durán, Kamyla, Colin Morgan, Tess Newman… 1h17. Sortie le 1er mai 2024.
Alberto Ammann et Bruna Cusi
Deux Vénézuéliens installés en Espagne décident de partir refaire leur vie aux États-Unis, en espérant que cette nouvelle terre leur permettra de retrouver une certaine harmonie conjugale. À leur atterrissage, ils sont interpellés par la police des frontières qui les soumet à un interrogatoire de routine qui prend bientôt un tour inattendu en mettant leur patience à rude épreuve. Peu à peu, leurs certitudes se fissurent et mettent à mal leur complicité apparente, en substituant à cette unité de façade un individualisme déstabilisant. Ce prétexte est l’occasion pour les réalisateurs Juan Sebastián Vásquez et Alejandro Rojas de se livrer à un exercice de style assez impressionnant autour d’un dispositif réduit à l’extrême. Le point de départ de Border Line est universel. Il s’appuie sur une expérience que la plupart des voyageurs étrangers débarquant aux États-Unis ont appréhendée sinon vécue. La confrontation avec les fonctionnaires chargés de l’immigration face auxquels le moindre mot de travers ou le plus petit geste déplacé peut être interprété comme une provocation voire un acte de rébellion. Une posture déstabilisante qui caractérise à la fois les états autoritaires et les démocraties confrontées à des afflux de migrants. La particularité du film est de montrer comment les mots peuvent jeter le trouble et la suspicion dans un contexte de paranoïa aiguë qui s’inscrit dans l’Amérique de Donald Trump, avec ce mur que l’ex-président comptait bien édifier entre la frontière Sud des États-Unis et Le Mexique pour dissuader les intrus.
Alberto Ammann et Bruna Cusi
Par son économie de moyen, le respect de la règle des trois unités et son sujet qui se circonscrit à une poignée de personnages et à un minimum de décors, Border Line possède toutes les caractéristiques propices à l’exercice de style que représente parfois un premier long métrage. Dès lors, il s’en remet pour l’essentiel à un scénario qui fait la part belle aux dialogues et à ses deux interprètes principaux dans des rôles auxquels les spectateurs peuvent s’identifier d’autant plus aisément que quiconque est allé aux États-Unis et dans certains autres pays sait combien le simple passage de la douane peut revêtir un caractère anxiogène et donner à n’importe quel touriste le sentiment désagréable d’avoir quelque chose à se reprocher. Vásquez et Rojas opposent à ce couple presque comme les autres de simples fonctionnaires chargés d’appliquer une procédure qui peut aisément devenir un piège diabolique, pour peu qu’on y réponde sans la prendre suffisamment au sérieux. Ce que dénonce le film à travers ces bureaux impersonnels éblouis par la lumière agressive des néons, c’est le grain de sable qui grippe les rouages de la machine et démultiplie les conséquences d’un détail moins anodin qu’il ne pourrait y paraître. Il y a quelque chose de kafkaïen dans cet engrenage qui se déclenche sur un malentendu et s’appuie ici sur la division des suspects pour les transformer en coupables idéaux. La mécanique implacable et son ordonnancement mis en scène avec une virtuosité qui ne s’affiche jamais en tant que telle de manière trop ostentatoire.
Jean-Philippe Guerand
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