Film malaiso-taïwano-singaporo-franco-germano-néerlando-indonéso-qatarien d’Amanda Neil Eu (2023), avec Zafreen Zairizal, Deena Ezral, Piqa, June Lojong, Khairunazwan Rodz, Fatimah Abu Bakar, Shaheizy Sam… 1h35. Sortie le 13 mars 2024.
La bête dans la jungle
Le cinéma d’horreur a connu en quelques années une diversification géographique impressionnante en échappant au sérail traditionnel d’Hollywood. Voici aujourd’hui qu’un film originaire d’une terra incognita du septième art, Tiger Stripes (littéralement Les rayures du tigre) vient bouleverser toutes nos idées reçues dans ce domaine en jouant de son potentiel de dépaysement illimité. Il aurait d’ailleurs pu tout ausssi bien s’intituler La bête dans la jungle, pour reprendre le nom de cette longue nouvelle d’Henry James qui a récemment inspiré deux invitations au rêve fort différentes. Son héroïne malgré elle est en effet une gamine de 12 ans qui se découvre un jour en proie à un charme maléfique et se recroqueville peu à peu sur elle-même dans un cadre sauvage digne de Rudyard Kipling. Ni vraiment loup-garou, ni franchement zombie, ni tout à fait vampire, elle se transforme parfois en une redoutable tigresse aux grimaces impressionnantes et sème la panique parmi sa paisible communauté rurale mitoyenne d’une jungle profonde et mystérieuse. Cette variation autour de La féline a la particularité de convier parmi ses inspirations des éléments constitutifs du folklore malais où affleure une forte présence de la nature environnante à travers le personnage de cette gamine dont la puberté est plus que jamais l’âge de tous les bouleversements, lorsque la physiologie féminine vient se fracasser contre un cortège d’événements irrationnels et contribue à l’isoler de son entourage.
Zafreen Zairizal
Fauve qui peut !
Grand prix de la Semaine de la critique, le premier long métrage de la réalisatrice Amanda Neil Eu puise une partie de son inspiration dans le folklore d’Asie du Sud-Est et joue délibérément sur un certain exotisme appliqué à la tradition des contes de fées. Il émane de ce film aussi déroutant que décapant un humour qui passe autant par une vision franchement cartoonesque des adultes que par le regard de ces enfants confrontés à la possession de l’une d’entre eux qui vivent en utilisant leur téléphone portable comme un troisième œil et exposent en temps réel les mutations les plus intimes de l’adolescence à des abonnés peu ou prou du même âge. Il convient de souligner ici la qualité de la direction d’acteurs et surtout d’actrices de la cinéaste mettant en scène une possédée qui se prend au jeu et donne davantage l’impression de profiter de la situation que de la subir comme il est d’usage dans ce type d’histoire. La jeune Zafreen Zairizal se prend au jeu d’une façon savoureuse et illustre cette observation de la cinéaste selon laquelle l’âge ingrat constitue un passage de cap aussi déterminant que périlleux où les sentiments les plus extrêmes se chevauchent et se télescopent. Elle cite d’ailleurs le classique du Teen Movie qui a inspiré le remake Mean Girls, Lolita malgré moi comme une référence pour la personnalité de ses méchantes. Et il est vrai que Tiger Stripes témoigne d’une fureur plutôt jubilatoire.
Jean-Philippe Guerand
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