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“Paternel” de Ronan Tronchot



Film français de Ronan Tronchot (2023), avec Grégory Gadebois, Géraldine Nakache, Lyes Salem, Anton Alluin, Sarah Pachoud, Noam Morgensztern, Jacques Boudet, Françoise Lebrun… 1h32. Sortie le 27 mars 2024.



Grégory Gadebois



Père et fils


Il y a des sujets auxquels le cinéma n’ose pas se frotter pour de mauvaises raisons, quitte à passer à côté de l’évolution des mœurs et laisser la société évoluer naturellement. Dans une France qui revendique sa laïcité, mais le paie parfois au prix fort, l’Église fait encore partie de ces citadelles préservées, sinon quand il s’agit de témoigner de ses turpitudes une fois qu’elles ont fait la une des médias. François Ozon en a témoigné à chaud dans Grâce à Dieu (2018) comme les Américains l’avaient fait avec Spotlight (2015) de Tom McCarthy. Rares sont en revanche les films à s’être vraiment intéressés au mariage des prêtres et à leurs enfants cachés. C’est pourtant la thématique qu’a choisi d’aborder Ronan Tronchot, jusqu'alors réputé comme monteur, dans son premier long métrage en tant que réalisateur. Paternel est tout le contraire de ces films à thèse qui donnaient naguère du grain à moudre aux invités de la célèbre émission “Les dossiers de l’écran”. Son scénario joue la carte de la simplicité, sans jamais user de sa situation comme d’un sujet de société qu’il n’est d’ailleurs sans doute même plus du tout. Un prêtre du centre de la France voit un jour débarquer dans sa vie une femme avec qui il a naguère entretenu une liaison avant d’être ordonné et qui est partie ensuite vivre sa vie à l’étranger. Ce qu’il ignore, c’est qu’elle était enceinte de ses œuvres et souhaite aujourd’hui que son petit garçon qu’elle a du mal à élever seule sache qui est son père… et plus si affinités. À lui désormais de prendre la bonne décision afin de vivre en harmonie avec sa conscience dans un contexte qui ne s’y prête pas nécessairement.



Anton Alluin et Géraldine Nakache



Il était une foi…


Paternel ne se dérobe devant aucune des responsabilités qu’implique son sujet et c’est ce qui lui confère une singulière audace, même si son sujet pourra paraître anecdotique à certains dans la tourmente d’un troisième millénaire secoué par l’émergence du mouvement #MeToo et bouleversé par les effets de la dysphorie de genre. Rien de tel ici. Ronan Tronchot choisit pour personnage principal un homme intègre et lui assigne pour interprète un acteur qui fait toute la différence : le toujours impeccable Grégory Gadebois qui préfère aux effets de manche une approche intime de son personnage. Confronté à la chair de sa chair à laquelle il a renoncé pour son sacerdoce, mais sans savoir qu’il avait eu le temps de procréer, il va prendre le risque d’aimer ce fils surgi de nulle part, lui-même conscient de tout ce que cette situation peut avoir de saugrenu. Alors ces deux-là établissent des relations de complicité fondées sur des réactions dont l’unique enjeu consiste simplement à mieux se connaître pour en arriver à se comprendre voire à s’aimer. La réaction des autorités épiscopales, représentées par un évêque cacochyme qu’incarne merveilleusement Jacques Boudet, s’avère quant à elle logique mais basique et dénuée d’affect. La polémique ne figure d’ailleurs pas dans le cahier des charges du scénario. Le réalisateur s’intéresse avant tout à l’humanité de ses protagonistes confrontés à une situation qu’ils n’ont d’autre choix que d’assumer, d’autant plus que le personnage de mère incarnée par Géraldine Nakache disparaît aussi soudainement qu’il a débarqué dans la vie de son ex. Comme le souligne son titre polysémique, le film traite avant tout de la paternité et de comment elle s’épanouit au cœur de ce combat perpétuel entre l’inné et l’acquis. Un père et passe…

Jean-Philippe Guerand






Grégory Gadebois et Jacques Boudet

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