Film français de Thierry Klifa (2023), avec Fanny Ardant, Mathieu Kassovitz, Laetitia Dosch, Nicolas Duvauchelle, Ben Attal, Michel Vuillermoz, Théo Navarro-Mussy, Zbeida Belhajamor, Sébastien Houbani, Olivier Broche… 1h56. Sortie le 13 mars 2024.
L’esprit de famille
Dans cette famille méditerranéenne, si vous avez demandé la mamma, c’est Fanny Ardant. Poigne de fer et séduction, cette femme puissante au cœur battant considère sa tribu de garçons obéissants comme la prunelle de ses yeux et n’hésite pas à jouer les soubrettes dans les dîners en ville afin que et ses fils complices (Matthieu Kassovitz et Nicolas Duvauchelle) et son petit-fils chéri (Ben Attal) puissent jouer les monte-en-l’air en toute tranquillité… dans l’appartement des invités. Jusqu’à ce soir où ces Pieds Nickelés embarquent une toile de Tamara de Lempicka vue dans un clip culte de Madonna qui leur vaut la surveillance rapprochée d’un tandem de détectives zélés (Laetitia Dosch et Michel Vuillermoz)… Amoureux des acteurs passé maître dans l’art délicat de réunir des distributions de rêve sur des prétextes narratifs qui s’échelonnaient jusqu’alors du rose au noir, l’ex-journaliste de “Studio” Thierry Klifa a toujours accordé davantage d’importance à ses interprètes qu’aux intrigues qui les réunissaient, mais l’on s’en voudrait de lui en tenir rigueur. Après tout, comme l’affirmait justement François Truffaut, « le cinéma est l’art de faire faire de jolies choses à de jolies femmes ». L’ex-muse de ce dernier, Fanny Ardant, et Laetitia Dosch l’attestent ici en beauté. Résultat : son cinquième film en vingt ans est sans doute à la fois le plus abouti et le plus libre de Thierry Klifa, ici constamment à l’écoute des élans du cœur de ses rois de la piste à la croisée des chemins.
Laetitia Dosch et Fanny Ardant
Comédie champagne
Avec la complicité du scénariste de prédilection de Pierre Salvadori, Benoît Graffin, le réalisateur s’autorise enfin à succomber au charme de la comédie la plus débridée qui soit et à entraîner avec lui des acteurs qui goûtent leur plaisir sans modération, mais avec un sens du partage appréciable. Quitte à fouiller ses protagonistes davantage qu’il est d’usage dans ce registre trop souvent en proie à la dictature du gag ou des solos de cabots. Il croque à belles dents dans des personnages savoureux qui ont en commun un grain le plus souvent irrésistible et se permet de laisser certaines de leurs confrontations se prolonger davantage que de raison pour nous faire profiter de la jubilation communicative de ses interprètes. Une heureuse initiative qui vaut notamment à l’irrésistible Fanny Ardant une composition désopilante en cheffe de famille qui couve avec la même rage deux générations de mâles, en portant la culotte avec l’autorité d’une Katherine Hepburn. Les rois de la piste distille un charme ineffable qui doit beaucoup à son absence de calcul et surtout à l’attention constante qu’il porte à des archétypes de comédie policière systématiquement parés d’un savoureux supplément d’âme. À l’instar du fils trans superbement campé par Nicolas Duvauchelle, du vieux garçon sentimental qu’interprète Matthieu Kassovitz ou de l’aventurière perturbée par l’amour qu’incarne Laetitia Dosch. Des interprètes que Klifa dirige à contre-emploi et encourage à sortir de leur zone de confort, sans jamais goûter le plaisir qu’il prend à les voir s’emparer de leurs rôles.
Jean-Philippe Guerand
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