Film franco-marocain de Nora El Hourch (2023), avec Leah Aubert, Médina Diarra, Salma Takaline, Oscar Al Hafiane, Mounir Margoum, Bérénice Bejo… 1h41. Sortie le 6 mars 2024.
Au nom des femmes
Trois adolescentes de banlieue ont toujours tout partagé sans jamais prêter la moindre attention à leurs différences. Une pour toutes et toutes pour une, quand l’une d’elle est victime d’une agression, elles postent la vidéo sur les réseaux sociaux. Au risque de provoquer un séisme parmi leur communauté, de se voir ostracisées et de soumettre leur amitié à une véritable épreuve de vérité. HLM Pussy tranche avec les chroniques de périphérie habituelles, en s’attachant sur une catégorie sociale au fond assez mal représentée au cinéma : la classe moyenne, à l’exception d’une bourgeoise élevée dans un cocon mais dont le père médecin n'assume pas son statut aux yeux de son entourage. Portrait passionnant d’un fils d’immigrés qui refuse d’assumer sa réussite en s’efforçant d’effacer ses signes extérieurs de richesse aux yeux de son entourage et de se fondre parmi la foule. L’autre spécificité fondamentale du premier long métrage de Nora El Hourch consiste à s’attacher à trois filles qui ont grandi dans un environnement de tradition machiste et tentent d’intégrer à leur façon les avancées du mouvement #MeToo. Un combat vertueux mais surtout courageux qui se heurte à la force de l’habitude dans un contexte encore rétrograde où seuls les réseaux sociaux semblent de nature à accélérer la prise de conscience des jeunes générations. Un propos passionnant servi ici par un refus louable des clichés et l’esquisse de nouveaux fragments de rapports amoureux fondés sur le respect mutuel.
Chronique du harcèlement ordinaire
Pour mesurer le chemin accompli, il suffit de confronter HLM Pussy à un autre film de femme situé dans un contexte assez proche, mais dans une cité, ce qui brouille beaucoup de données du fameux “vivre ensemble”, Divines (2016) de Houda Benyamina. Nora El Hourch se montre paradoxalement plus confiante en l’avenir que sa consœur et intègre à son film la puissance des réseaux sociaux en tant qu’agora amplificatrice, mais aussi simplificatrice. Elle signe en outre un très bel éloge de la sororité en milieu hostile et souligne son impact sur une communauté trop longtemps cramponnée au totem illusoire de la virilité, à travers deux personnages emblématiques qu’elle filme sans jamais chercher à les accabler : le père qui pleure évoqué plus haut et le petit macho de banlieue confronté à ses mauvaises manières héritées d’une éducation machiste et de codes de communication obsolètes. C’est d’ailleurs ce que montre le film dès son ouverture, à travers une séquence de drague relou dans un fast-food. Plus féminin que féministe, HLM Pussy a le mérite de remettre à l’heure des pendules qui déraillent, en montrant combien les fondements mêmes de nos relations les plus élémentaires restent à réinventer pour assurer une parité naturelle et apaisée. On s’en voudrait enfin de ne pas louer la vitalité communicative de ses trois interprètes principales : Leah Aubert, Médina Diarra et Salma Takaline. Comme leurs personnages, cette chronique du harcèlement ordinaire est de celles qui peuvent contribuer à faire bouger les lignes de notre quotidien, même si le film est bien mieux que le chaînon manquant entre La boum et La haine vanté par son affiche dans un raccourci promotionnel saisissant.
Jean-Philippe Guerand
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