Xiao Bai Chuan Film chinois de Zihan Geng (2023), avec Zhou Meijun, Ziqi Huang, Jing Liang, Long Liang, Kay Huang… 1h32. Sortie le 20 mars 2024.
Ziqi Huang et Zhou Meijun
Bienvenue dans l’âge ingrat !
Du cinéma chinois, nous n’avons plus désormais que des signes de vie épars. Les grands maîtres abonnés naguère aux festivals internationaux ont dû choisir entre l’exil et le ralliement à une industrie qui a déployé les grands moyens pour se les approprier, tout en dissolvant la spécificité artistique de Hong Kong. Quant aux nouveaux talents, ils ont du mal à accéder au reste du monde, sinon en usant de subterfuges invisibles. C’est donc une aubaine de pouvoir découvrir aujourd’hui le premier long métrage de Zihan Geng noyé l’an dernier parmi la sélection de la Quinzaine des cinéastes. Après deux courts remarqués, la réalisatrice s’essaie à un exercice de style classique, l’étude de mœurs, en s’attachant à une adolescente confiée par sa mère à son père qui sympathise avec la fille de la compagne coréenne de celui-ci. Au contact de cette jeune femme libérée, elle entrevoit la possibilité d’un avenir différent de celui qui lui semble tracé. Bienvenue dans l’âge ingrat ! Cette étude de mœurs subtile au féminin pluriel montre un aspect singulier d’une certaine partie de la jeunesse chinoise dont les aspirations ne cadrent pas vraiment avec la doxa locale. Fille d’une femme médecin partie en mission en Afrique, le nouvel eldorado convoité par l’Empire du Milieu, et d’un photographe au studio vieillot, Xian appartient avant tout à une génération avide de découvrir le monde, mais peu motivée sur le plan idéologique. À travers sa fascination pour cette étrangère plus âgée qu’elle, elle entrevoit un autre avenir possible et l’adulte qu’elle a envie de devenir avec des aspirations générationnelles où l’idéologie n’a pas sa place.
Zhou Meijun
Chronique d’un été
Blue Summer (A Song Sung Blue) est la chronique lumineuse d’une chenille qui piaffe de devenir papillon pour échapper à sa solitude et déployer enfin ses ailes. Un sujet classique qui a inspiré bien des premiers films. Comme s’il fallait commencer par parler de soi pour pouvoir se consacrer ensuite aux autres. Nul doute que cette Liu Xian de 15 ans est nourrie du vécue de la réalisatrice, Zihan Geng. Au film d’apprentissage traditionnel, cette dernière ajoute une composante essentielle sous la forme d’une complicité intense comme on en vit parfois à l’adolescence. Avec aussi cette personnalité de mentor induite par la différence d’âges qui place cette amitié intense sous le signe de la sororité. Et puis aussi le cadre du studio et de ses décors artificiels parfois kitsch qui occupent une place prépondérante sur le plan visuel et permettent des échappées symboliques dans l’imagerie d’une Chine qui s’accroche à ses traditions et à sa splendeur ancestrale. La mise en scène joue admirablement bien de ce contraste qui ne fait que souligner le fossé qui se creuse entre le passé dans lequel ses parents ont élevé la gamine, le présent qui essaie de s’y faire une place et l’avenir que symbolise cette grande sœur venue d’ailleurs. Un entrelacs narratif menée sans le moindre tape-à-l’œil qui révèle une jeune cinéaste à l’écoute du monde et assez emblématique d’une génération qui place l’idéologie derrière des aspirations rendues universelles par les réseaux sociaux et un monde souvent à portée de clic, malgré les limites d’une censure impuissante à entraver les effets de la mondialisation. La postproduction du film a d’ailleurs été réalisée hors de Chine par une équipe internationale qui a contribué à enrichir son propos universel.
Jean-Philippe Guerand
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