Film franco-belge d’Alix Delaporte (2023), avec Alice Isaaz, Roschdy Zem, Vincent Elbaz, Pascale Arbillot, Pierre Lottin, Jean-Charles Clichet, Grégoire Leprince-Ringuet, François de Brauer, Maxime d’Aboville, Nicolas Carpentier, Guillaume Marquet… 1h23. Sortie le 14 février 2024.
Alice Isaaz, Pierre Lottin, Vincent Elbaz
Pascale Arbillot et Jean-Charles Clichet
Le devoir d’informer
Le cinéma s’intéresse depuis toujours au métier de journaliste, mais autant il excelle à mettre en scène la presse écrite et ses chevaliers blancs, autant il peine à restituer le travail ingrat des agences audiovisuelles qui œuvrent dans l’ombre pour éveiller les consciences en respectant la vérité, même s’il arrive qu’elle dérange. Pour son troisième long métrage après Angèle et Tony (2010) et Le dernier coup de marteau (2014), la réalisatrice Alix Delaporte a choisi de plonger en immersion dans l’une de ces officines où débarque une nouvelle recrue qui se fait une très haute idée de ce métier, sans mesurer les contraintes et les servitudes qu’il implique. Au contact de ces baroudeurs qui lui donnent l’impression d’avoir tout vu et tout vécu au point d’apparaître parfois usés sinon désabusés, elle va découvrir qu’il y a davantage de reportages anodins que d’événements sensationnels, mais que tout est toujours une question de regard, surtout face au poison que représentent les réseaux sociaux et leur cortège de Fake News propagées par des influenceurs gorgés de vanité. La principale qualité de Vivants est d’aller à rebours des scénarios qu’on associe généralement à la pratique de ce métier qui a fourni tant de héros inoxydables au cinéma. Le film est conçu comme une sorte de matière en mouvement où la routine côtoie en permanence l’événementiel et où la nécessité de témoigner s’avère souvent plus forte que la recherche systématique du scoop qui a nourri tant de personnages de cinéma et statufié la figure du journaliste comme un témoin indésirable sinon carrément un justicier de substitution nourri par sa familiarité avec les méthodes inhérentes à l’enquête.
Vincent Elbaz, Roschdy Zem et Pierre Lottin
Tous pour un, un pour tous
Vivants est un portrait de groupe avec drames qui trouve un équilibre subtil à travers la personnalité de ses protagonistes, leur complicité et parfois aussi leurs différends. Son Graal n’en est pas la recherche du scoop à tout prix, mais plutôt une quête permanente de vérité qui peut paraître anachronique, mais constitue encore le meilleur rempart contre les extrémismes. Certes, Alix Delaporte témoigne là d’un idéalisme qui confine parfois à la naïveté, mais malgré quelques maladresses et sa détermination à constituer une sorte d’équipe de choc constituée d’individualités typées, le collectif apparaît en définitive plus fort que tout et permet à ses membres d’appliquer au pied de la lettre la fameuse devise des mousquetaires « Tous pour un, un pour tous » à l’art délicat du grand reportage. C’est ce que découvre la débutante campée par Alice Isaaz, enfin dans un rôle vraiment intéressant, face à ces baroudeurs chevronnés qu’incarnent sur des registres différents le rédacteur en chef Roschdy Zem et ses lieutenants campés par Vincent Elbaz, Pascale Arbillot, Pierre Lottin et Jean-Charles Clichet, tiraillés entre l’exigence de rendement que manifeste leur hiérarchie et la quête insatiable d’authenticité pour laquelle ils ont choisi ce beau métier qui consiste à informer. Et même s’il émane de cette chronique chorale un idéalisme parfois naïf, certaines vérités demeurent toujours aussi cruciales à énoncer et le film en est gorgé.
Jean-Philippe Guerand
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