Film italo-franco-britannique de Stefano Mordini (2023), avec Riccardo Scarmarcio, Daniel Brühl, Volker Bruch, Katie Clarkson-Hill, Esther Garrel, Bruno Gouery, Kai Portman, Jacopo Rampini, Gianmaria Martini, Axel Gallois, Giulio Brizzi, Rosario Terranova, Illir Jacellari, Hervé Ducroux, Andrea Ascolese… 1h33. Sortie le 7 février 2024.
Le cinéma s’est toujours intéressé à la course automobile à travers des films comme Grand Prix (1966) de John Frankenheimer et Le Mans (1971) de John Sturges qui exaltaient la plus célèbre épreuve d’endurance de la planète ou, plus récemment, Rush (2013) de Ron Howard et Ferrari de Michael Mann, mis en ligne sur Amazon Prime en mars, voire les films d’animation Cars (2006) et Cars 2 (2011) initiés par John Lasseter pour célébrer la formule 1. On peut en revanche s’interroger sur la raison pour laquelle les rallyes n’ont quant à eux jamais vraiment réussi à crever l’écran, sinon épisodiquement à travers le personnage incarné par Jean-Louis Trintignant et mis en scène par Claude Lelouch dans Un homme et une femme (1966) et ses suites. Race for Glory : Audi vs Lancia aborde aujourd’hui ce championnat d’endurance disputé dans des conditions parfois extrêmes à travers la rivalité industrielle qui gouverne les sports mécaniques où une victoire médiatisée constitue la plus efficace des promotions pour les constructeurs automobiles. Par son sujet et la nationalité de ses protagonistes rivaux, le film de Stefano Mordini bénéficiait d’emblée d’une viabilité économique de nature à rassurer ses promoteurs. L’entreprise se présente par ailleurs comme un film-sandwich dont le titre va jusqu’à citer les deux marques qui personnifient la rivalité de deux pays, l’Allemagne et l’Italie, comme la version originale de Le Mans ’66 (2019) de James Mangold mentionnait la concurrence de Ford et Ferrari. Une pratique audacieuse qui s’apparente à ce qu’on qualifiait naguère de publicité clandestine et s’assortit d’une entrave ahurissante à la loi Evin quand il s’agit d’exhiber les carrosseries et autres combinaisons floquées aux couleurs des sponsors. Tout cela sous couvert de reconstituer cet âge d’or du début des années 80 où de telles pratiques étaient encore généralisées. C’est toute l’ambiguïté de Race for Glory : Audi vs Lancia de coller au plus près à cette époque, tout en transgressant en toute impunité les règles ultérieures.
Riccardo Scarmarcio et Gianmaria Martini
La trame du film de Stefano Mordini est dépourvue de surprises, mais s’attarde moins sur les épreuves du championnat du monde des rallyes 1983 que sur les différends qui opposent les dirigeants des deux écuries à la pointe de ce sport dont l’enjeu industriel s’avère colossal. Des rôles campés par Riccardo Scarmarcio, qui a coécrit et coproduit le film, et Daniel Brühl, lesquels rivalisent d’abattage pour encourager les pilotes Hannu Mikkola (Gianmaria Martini) et Walter Röhrl (Volker Bruch) à se surpasser au volant d’une Lancia Rally 037 et d’une Audi Quattro devenues légendaires pour tous les aficionados. La limite du film réside d’ailleurs sans doute dans le fait qu’il s’adresse à un public d’initiés et qu’à trop se concentrer sur ce duel au sommet, il en arrive à reléguer les autres concurrents à jouer les faire-valoir, à l’instar de la pilote française Michèle Mouton qu’incarne Esther Garrel qui fut pourtant une authentique pionnière dans cette discipline. C’est à la fois une erreur historique et une bourde regrettable à une époque où la réhabilitation des figures féminines dans tous les domaines est plus que jamais à l’ordre du jour. Par ailleurs, la nature même des rallyes à étapes dont la durée et le tracé sont plus démesurés que spectaculaires ne possède pas à l’écran un impact comparable à celui des courses traditionnelles circonscrites dans l’espace et dans le temps, plus propices aux morceaux de bravoure et aux rebondissements. Le grand public risque quant à lui d’être légitimement rebuté par ces rituels codés pour initiés où, contrairement à ce qu’affirme la rengaine, rien ne sert de courir, il faut partir et surtout… arriver à point.
Jean-Philippe Guerand
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