Film irlandais de Robert Lorenz (2022), avec Liam Neeson, Kerry Condon, Desmond Eastwood, Jack Gleeson, Ciarán Hinds, Colm Meaney, Sarah Greene, Niamh Cusack, Conor MacNeill, Seamus O’Hara, Valentine Olukoga, Mark O’Regan, Anne Brogan, Conor Hamill… 1h46. Mise en ligne sur Prime Video le 23 février 2024.
L’homme tranquille
Belfast, 1974. La guerre civile bat son plein en Irlande du Nord, avec son cortège de bavures et de victimes collatérales. Dans un village de carte postale, un enfant du pays est venu retrouver la sérénité après une vie dissolue dont il a beaucoup à se faire pardonner. Reste qu’il va devoir payer le prix fort pour effacer ces tâches maudites qui encombrent sa conscience et s’impliquer les armes à la main dans un combat qui n’est pas tout à fait le sien et dont les héros sont fatigués. L’occasion pour Liam Neeson de renouer avec sa terre natale dans un rôle qui rompt (un peu) avec les emplois de gros durs impénétrables avec une vengeance à assouvir auxquels il semble être abonné depuis le succès de la saga Taken. Il retrouve aussi au passage son accent local sous la houlette d’un réalisateur qui l’avait déjà dirigé dans Le vétéran (2021). Chassez le naturel, il revient au galop et se mêle assez vite de ce qui ne le regarde pas vraiment : des affrontements nationalistes dans lesquels le justicier solitaire aux faux airs de père tranquille, rouflaquettes, casquette vissée sur la tête et pipe au bec, s’immisce discrètement en éliminant les brebis galeuses à l’insu de tous. Le cadre naturel et certains décors confèrent à cette ballade irlandaise crépusculaire un caractère westernien dont le scénario reprend d’ailleurs certaines conventions, en remplaçant les saloons par des pubs comme lieux de socialisation, avec cette scène où un homme est sommé de creuser sa propre tombe et une cartouche marquée d’une croix. Il souffle aussi quelque chose de la nostalgie de L’homme tranquille sur cette chronique pittoresque et désenchantée dont les combattants évoquent certains activistes d’aujourd’hui repliés au fin fond du terroir dans l’attente du Grand Soir.
Guerre secrète
Le film dépeint une guerre secrète dont les combattants vivent terrés, loin de Belfast, et poursuivent une lutte menée depuis soixante ans sous couvert d’une vie quotidienne paisible qui les a invisibilisés. Comme s’ils étaient parvenus à se fondre dans le vert du paysage jusqu’au moment de se mettre en mouvement et d’apporter leur contribution à la cause. In the Land of Saints & Sinners décrit habilement les haines recuites de ces guerriers de l’ombre en alerte permanente qui se sont radicalisés en prenant exemple sur les groupes terroristes de l’époque que sont les Brigades Rouges, la Bande à Baader et l’ETA au nom d’un nationalisme dévoyé de ses fondements initiaux. Avec une primauté accordée aux femmes dans la lutte clandestine de ces saints et pécheurs accrochés à l’Ulster. Ce thriller qui ne tire pas d’autre profit de son contexte socio-politique que celui de s’inscrire dans des landes désolées et des pubs enfumés (c’était encore permis) dérive à mi-chemin de ce qui semblait être sa trajectoire initiale en enchaînant les règlements de comptes en rase campagne, sur fond de reconstitution soignée des années 70. Dommage toutefois que Liam Neeson, entouré de la fine fleur des comédiens irlandais, ne dévie pas de son registre coutumier de taiseux, même s’il combat cette fois au nom de la cause irlandaise dont il campa naguère un pionnier authentique dans Michael Collins de Neil Jordan. Il est vrai qu’il manifestait alors un peu plus d’ambition dans le choix de ses rôles.
Jean-Philippe Guerand
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