Dune : Part Two Film américain de Denis Villeneuve (2023), avec Timothée Chalamet, Zendaya, Rebecca Ferguson, Josh Brolin, Austin Butler, Florence Pugh, Dave Bautista, Christopher Walken, Léa Seydoux, Souheila Yacoub, Stellan Skarsgård, Charlotte Rampling, Javier Bardem, Stephen McKinley Henderson, Tim Blake Nelson… 2h46. Sortie le 28 février 2024.
Jusqu’au bout du rêve
Publié à partir de 1965, le cycle de Dune de Frank Herbert a fait fantasmer Alejandro Jodorowsky dix ans plus tard avant d’inspirer à David Lynch en 1984 ce qui reste un ratage d’anthologie. Comme si dans ces années 70 et 80 où la science-fiction anoblie par la saga Star Wars commençait à devenir rentable et à justifier des budgets à la démesure de ses ambitions, toutes les conditions n’étaient pas encore réunies pour s’attaquer à de telles citadelles littéraires. Il aura ainsi fallu près d’un demi-siècle au Seigneur des anneaux de J. R. R. Tolkien paru en 1954-1955 pour donner lieu à une adaptation cinématographique digne de ce nom grâce à Peter Jackson. En s’attaquant à son tour à Dune à l’orée des années 2020, qui a donné lieu entre-temps à une mini-série en trois épisodes en l’an 2000, le réalisateur canadien Denis Villeneuve a choisi de progresser quant à lui sans brûler les étapes. C’est en effet au vu de l’accueil réservé à l’opus originel, qui ne couvrait que la première moitié du premier roman et a obtenu une demi-douzaine d’Oscars, qu’il s’est lancé dans Dune : Deuxième partie et juste avant sa sortie mondiale qu’il a confirmé la mise en chantier du volet suivant. Une stratégie payante qui rompt avec certaines stratégies expérimentées dans le passé avec des résultats pas toujours probants. Le nouveau film de Villeneuve débute très exactement là où s’achevait le précédent, mais peut très bien se voir indépendamment. Le ou les suivants puiseront en revanche dans les cinq autres livres du cycle initial écrit par Frank Herbert voire les seize romans publiés ensuite par son fils Brian avec le concours de Kevin J. Anderson.
Le futur comme dans un miroir
Dune : Deuxième partie relate la revanche de Paul Atréides (Timothée Chalamet) contre ceux qui ont anéanti sa famille après l’avoir trahie. Une vengeance qui incite l’héritier à conclure une alliance avec Chani (Zendaya) et les Fremen, un peuple autochtone vivant à l’écart de la civilisation. La particularité de cette saga est de se dérouler durant un onzième millénaire qui renvoie à l’univers désolé de tant d’épopées futuristes situées sur des planètes colonisées, mais aussi à des étendues désertiques et à des jeux du cirque relevant autant de l’Antiquité égyptienne que de l’Heroic Fantasy, sans compter évidemment la fameuse Épice convoitée comme un Graal suprême, quant à elle influencée par la quête de paradis artificiels propre aux Sixties. Denis Villeneuve cherche moins à épater la galerie qu’à servir au mieux le texte qu’il adapte, en veillant en permanence à donner un supplément d’âme à ses protagonistes et à respecter l’œuvre d’Herbert et par extension son fan-club qui ne saurait tolérer la moindre faute de goût et sait mieux que quiconque à quoi doivent ressembler les vers géants qu’il a imaginés. Il mobilise en outre des interprètes de toutes les générations sans jamais les réduire à des stéréotypes, à l’instar de l’empereur incarné par l’octogénaire Christopher Walken, du baron chauve et bedonnant campé par Stellan Skarsgård, de son neveu démoniaque qu’interprète Austin Butler ou du contingent féminin représenté par Charlotte Rampling, Léa Seydoux, Rebecca Ferguson, Florence Pugh et Souheila Yacoub. La mise en scène d’une rare élégance sert à merveille le propos, Villeneuve témoignant de sa virtuosité coutumière, notamment en jouant habilement de la profondeur de champ et en alternant les scènes intimistes avec quelques morceaux d’anthologie dont une confrontation spectaculaire qui manifeste l’ampleur des batailles napoléoniennes voire de certains combats antiques et où les armes futuristes et autres lasers déjà datés sont remplacés par des joutes à l’arme blanche. Comme pour souligner l’intemporalité de cette fresque futuriste fort bien servie par des orfèvres en la matière.
Jean-Philippe Guerand
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