Film américain de Reinaldo Marcus Green (2024), avec Kingsley Ben-Adir, Lashana Lynch, Michael Gandolfini, Tosin Cole, James Norton, Nadine Marshall, Anthony Welsh, Umi Myers, Nia Ashi, Aston Barrett Jr., Anna-Sharé Blake, Gawaine “J-Summa” Campbell, Naomi Cowan, Alexx A-Game, Quan-Dajai Henriques, David Kerr, Hector Roots Lewis, Abijah “Naki Wailer” Livingston, Sheldon Shepherd, Andrae Simpson, Stefan A.D Wade… 1h50. Sortie le 14 février 2024.
Peace and Love
Le biopic est aujourd’hui un genre à part entière qui doit essuyer de plus en plus souvent la concurrence du documentaire et surtout, dans le cas de personnages contemporains, le poids du réel face à la reconstitution, aussi soignée soit-elle. La comparaison est plus que jamais d’actualité au moment où sort Bob Marley : One Love, concocté sous l’étroite surveillance de toute sa famille, de sa veuve Rita à son fils Ziggy. Difficile, en effet, de faire abstraction du documentaire qu’a consacré au roi du reggae dont la disparition à 36 ans a été éclipsée en France par l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République, Kevin Macdonald, dans Marley (2012). Celui-ci couvrait l’existence entière du chanteur pacifiste en soulignant son caractère prophétique et sa foi en un monde apaisé. Le film que lui consacre aujourd’hui Reinaldo Marcus Green commence et s’achève par un concert : celui au cours duquel le chanteur a profité de sa popularité pour convaincre les deux candidats rivaux à l’élection présidentielle jamaïcaine de se serrer la main du bout des doigts afin de mettre un terme symbolique à une menace imminente contre la démocratie et le lancement de la tournée “One Love” qui restera gravée dans l’histoire. Deux années cruciales au cours desquelles le chanteur va passer du stade de star planétaire à celui de mythe universel. En se concentrant sur cette période brève mais intense, le film réussit à raconter le reste de sa vie, de la tentative d’assassinat dont il réchappe à la blessure au pouce du pied droit qui dégénèrera en cancer et l’emportera.
La coolitude des choses
Bob Marley : One Love prend le contrepied de l’adage selon lequel qui trop embrasse mal étreint, mais prend le temps de s’attacher au personnage hanté par l’absence d’un père blanc dont il ne possède en tout et pour tout qu’une photo énigmatique qui le représente à cheval. Le film réussit le plus difficile : trouver un interprète à la hauteur de son sujet. Lauréat du Trophée Chopard au Festival de Cannes 2021, Kingsley Ben-Adir possède le charisme nécessaire tout en assumant ce caractère cool qui incite en permanence l’artiste jamaïcain à vouloir réconcilier les ennemis et à devenir une sorte de messager de la paix dépourvu d’arrière-pensées et de calculs, au point d’en faire l’une des vertus cardinales du reggae en tant que philosophie existentielle. La réussite du film est de montrer cet artiste respecter ses valeurs et son intégrité dans les circonstances les plus extrêmes, loin des stars occidentales dont il réussira à se tenir éloigné par amour pour son île et une foi indéfectible en ces valeurs qui ont réussi à en faire une icône immortelle. Peut-être parce qu’il est resté statufié comme James Dean, Marilyn Monroe ou Che Guevara. D’où l’intérêt d’achever le film avant que la maladie ne le rattrape et l’emporte. Il fallait sans doute en passer par cette ellipse élégante pour respecter le mythe. Trop de biopics se complaisent dans cette déchéance qui n’ajoute pas grand-chose, sinon un pathos inutile. Merci aux multiples héritiers Marley crédités au générique d’avoir eu la sagesse de nous épargner ce calvaire inutile. Le respect de son culte l’exigeait.
Jean-Philippe Guerand
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