Stella. Ein Leben. Film allemand de Kilian Riedhof (2023), avec Paula Beer, Jannis Niewöhner, Katja Riemann, Lukas Miko, Joel Basman, Damian Hardung, Gerdy Zint, Joshua Jaco Seelenbinder, Rony Herman, Peter Miklusz, Jeanette Spassova… 2h01. Sortie le 17 janvier 2024.
Paula Beer
« Ceci est une histoire vraie. » Ces cinq mots accompagnent désormais les films relatant les événements les plus extraordinaires en les estampillant d’une précieuse valeur ajoutée : l’authenticité. Et cela quelles que puissent être les libertés ou les fantaisies que s’octroient scénaristes et metteurs en scène en élucubrant à partir de faits avérés. Le destin de Stella Goldschlag ne cadre pas vraiment avec l’idée qu’on peut se faire de la seconde Guerre mondiale en général et du sort réservé aux Juifs par le régime hitlérien. C’est celui d’une jeune Allemande de confession israélite qui rêve de conquérir l’Amérique en chantant, avant de déchanter et d’être rattrapée par ses origines. Arrêtée, humilié et torturée pour la contraindre à dénoncer son entourage, cette blonde aux yeux bleus préservée longtemps des rafles accepte de collaborer avec les Nazis, en profitant de ses relations pour dénoncer des malheureux qui seront ensuite déportés… y compris ses propres parents. Difficile d’éprouver la moindre empathie pour un être aussi haïssable dont la seule motivation exprimée est qu’elle est trop jeune pour mourir. Son destin est pourtant authentique. Reste que le cinéma devait pour s’en emparer s’entourer des plus grandes précautions et sans doute aussi s’interdire d’utiliser ses atouts habituels pour ajouter des artifices à une histoire qui n’en avait pas besoin.
Paula Beer
Le réalisateur allemand Kilian Riedhof est connu en France pour avoir porté à l’écran Vous n’aurez pas ma haine, le texte consacré par Antoine Leiris au massacre du Bataclan dans lequel a péri son épouse. Il avait déjà tenté d’aller au-delà des mots avec une insigne maladresse. Comme si leur signification ne résonnait pas déjà suffisamment en chacun de nous. Il persiste et signe aujourd’hui avec Stella, une vie allemande un film romanesque qui semble vouloir racheter un personnage principal inexcusable. C’était d’ailleurs toute la difficulté de cette entreprise. Certes, Paula Beer livre une interprétation impressionnante, au point qu’on en arrive à confondre l’actrice avec son personnage, mais c’est le point de vue du réalisateur qui nous abuse. Il ne prend jamais la bonne distance avec les événements qu’il relate et semble se laisser prendre au piège de cette collaboratrice dont il montre les actes sans vraiment s’attacher à leurs conséquences. Il semble en outre ignorer que le cinéma est avant tout l’art de l’ellipse et se sent parfois obligé de tout montrer, à l’image de ce bébé abandonné sur le plancher d’un appartement désert ou ce plan indécent dans lequel Stella âgée se voit jeune à travers son miroir. À une époque où le cinéma allemand s’ingénie à affronter son passé les yeux dans les yeux, sans jamais hésiter à appuyer là où ça fait le plus mal afin d’instruire les nouvelles générations, ce film d’une insigne maladresse pâtit sans doute de trop chercher à plaire. Il eut mieux fait de moins chercher à se montrer spectaculaire et tonitruant, sans chercher à épater la galerie.
Jean-Philippe Guerand
Commentaires
Enregistrer un commentaire