Baavgai Bolohson Film mongolo-franco-helvéto-qatarien de Zoljargal Purevdash (2023), avec Battsooj Uurtsaikh, Nominjiguur Tsend, Tuguldur Batsaikhan, Batmandakh Batchuluun, Ganchimeg Sandagdorj, Batsaikhan Battulga, Urnukhbayar Battogtokh, Purevdulam Natsagbadam… 1h38. Sortie le 10 janvier 2024.
Battsooj Uurtsaikh
Une école perdue au bout du monde. À Oulan-Bator, capitale de la Mongolie, pour être précis. C’est là que vit Ulzii, un fort en thème issu d’un milieu modeste en qui l’un de ses professeurs détecte un lauréat potentiel d’un concours scientifique qui pourrait lui donner accès à une bourse d’études. Mais c’est compter sans un impondérable majeur : sa mère étant partie travailler à la campagne en plein hiver, l’aîné chargé de veiller sur son frère et sa sœur doit trouver aussi de quoi subvenir à leurs besoins coûte que coûte. Or, il n’est pas du genre à se dérober devant ses responsabilités… Malgré son cadre pour le moins pittoresque, le premier long métrage de la réalisatrice Zoljargal Purevdash raconte une histoire universelle qui pourrait se dérouler à peu près n’importe où ailleurs. La singularité du film réside dans son décor qui évoque l’atmosphère de certains Pays de l’Est d’antan et la personnalité de son jeune interprète principal au visage d’ange, sorte de cousin mongol d’Antoine Doinel qui, comme le souligne le titre, aimerait bien pouvoir vivre sa vie en pratiquant la politique de l’autruche et se dérober devant des responsabilités qui ne sont pas de son âge. Cette histoire édifiante mais jamais mièvre constitue aussi un éloge de l’éducation en tant qu’ascenseur social dans le contexte d’une société où le temps semble s’être arrêté.
Battsooj Uurtsaikh (à droite)
Si seulement je pouvais hiberner s’inscrit dans la longue tradition de ces films idéalistes qui laissent entrevoir un avenir meilleur, tout en semant sur ce parcours une bonne dose d’embûches. Son interprète principal ajoute en outre une bonne dose de mystère à ce sujet par son visage impénétrable qui s’avère très difficile à déchiffrer pour nos regards d’Occidentaux. D’où cette impression déroutante que ce jeune homme est beaucoup moins affecté par ce que lui arrive que ne le serait n’importe quel adolescent de son âge sous d’autres latitudes. Reste que le message de ce film est quant à lui universel : il n’est pas suffisant d’être doué pour réussir, tant le contexte social peut s’avérer pesant en multipliant les obstacles. Zoljargal Purevdash excelle dans l’art délicat de l’étude de caractères et brosse des portraits saisissants de ses personnages, sans jamais sombrer dans le manichéisme ou la caricature. La société qu’elle dépeint, aussi primitive puisse-t-elle être, a le mérite de croire en des valeurs fondamentales et d’encourager le mérite. L’école qu’elle décrit est plus proche de celle de Jules Ferry que des systèmes éducatifs en vigueur dans la plupart des pays dits évolués. Parce que c’est par elle seule que les rêves peuvent se transformer en réalité et que les individus ont parfois la possibilité de se transcender en échappant au poids de leur destinée. Ce film n’aspire pourtant en aucun cas au statut de conte moral. Il est bien trop malicieux pour cela.
Jean-Philippe Guerand
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