La ragazza del futuro Film italo-français de Marta Savina (2022), avec Claudia Gusmano, Fabrizio Ferracane, Francesco Colella, Manuela Ventura, Dario Aita, Thony, Gaetano Aronica, Mazaiar Firouzi, Francesco Giulio Cerillie, Paolo Pierobon… 1h40. Sortie le 17 janvier 2024.
Dario Aita et Claudia Gusmano
Un visage d’ange : celui de Lia Crimi, une jeune femme déterminée qui, dans la Sicile traditionnelle des années 60, va braver la loi des hommes, non seulement en refusant le mariage que cherche à lui imposer un fils de notable après avoir abusé d’elle, mais en allant jusqu’à lui intenter un procès. L’époque est propice à l’évocation des destins de femmes hors du commun et des pionnières du féminisme. Le personnage principal de Primadonna est une héroïne authentique qui ose donner un coup de pied dans la fourmilière d’une société patriarcale archaïque où la domination des hommes va de pair avec le pouvoir ancestral de la Mafia dans une Italie qui répond à la définition de Giuseppe Tomasi di Lampedusa dans Le guépard selon laquelle « tout change pour que rien ne change ». C’est avec sa sensibilité de femme d’aujourd’hui que Marta Savina orchestre cette étude de caractères, tout en soignant sa reconstitution des années 60 telles que l’âge d’or du cinéma italien les a immortalisées, que ce soit chez Mauro Bolognini, Pietro Germi ou Valerio Zurlini, même si c’était en noir et blanc. La réalisatrice a choisi pour cela une interprète au charme intemporel : Claudia Gusmano qui porte son fichu et son cardigan avec la grâce naturelle de Stefania Sandrelli.
Claudia Gusmano et Thony
Primadonna interroge la condition féminine dans un contexte imperméable à l’évolution des mœurs où tout semble destiné à demeurer en l’état jusqu’à la fin des temps. Les rapports entre les hommes et les femmes sont primaires, dans le cadre d’un système quasiment féodal et profondément machiste qu’il ne viendrait à personne l’idée de contester les fondements. Le film souligne d’ailleurs cet état de fait qu’on pourrait qualifier de complice en désignant Lia comme une rebelle sinon une enfant gâtée que son entourage encourage à rentrer dans le rang, à commencer par celles de son sexe qui subissent sans broncher depuis des siècles la fameuse loi des hommes, son droit de cuissage et ses mariages forcés. Mais il n’y a pas de fatalité qui ne se conteste et à la faveur des #MeToo émergent du passé des figures de la révolte qui ont contribué d’une façon ou une autre à briser des mœurs déconnectées de la réalité… Marta Savina prend garde pour évoquer ces temps pas si reculés de dresser un tableau crédible de la société sicilienne d’alors et évite la tentation qui aurait pu consister à utiliser le noir et blanc pour appuyer visuellement sa reconstitution soignée de décors restés pour l’essentiel inchangés en six décennies. Une initiative salutaire qui lui permet de coller aussi à notre époque sans rebuter le public actuel habitué à la couleur et à un certain confort esthétique. Avec une conscience toutefois plus aiguë de ce que devrait être la condition féminine.
Jean-Philippe Guerand
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